POLITIQUE/CI : RHDP : Un parti fragile qui ne survivra pas sans Ouattara
Depuis son arrivée au pouvoir en 2011, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) est devenu le parti politique dominant en Côte d’Ivoire. Cependant, de nombreux observateurs estiment que le parti est très fragile et qu’il disparaîtra dès le départ de son leader, Alassane Ouattara.
Le système sur lequel repose le RHDP est composé de trois groupes. Le premier groupe est constitué des fidèles d’Alassane Ouattara, principalement des enfants de la CEDEAO nés en Côte d’Ivoire et ivoiriens ou des Africains naturalisés, qui ne jurent que par la présence continue de Ouattara à la tête de la Côte d’Ivoire. Ces fidèles sont souvent surnommés “les Tchombé” en référence à leur attachement indéfectible à leur leader. ( ex: Kandia Camara, Bictogo, Abdramane Cissé…etc)
Le groupe des “Tchombé” est convaincu que la richesse et le pouvoir qu’ils ont accumulé prendront fin et qu’ils devront rendre des comptes après son départ. Ils sont donc déterminés à soutenir Ouattara jusqu’à la fin de son mandat présidentiel en 2025, voire au-delà si cela est possible. Ils estiment que la présence continue de Ouattara à la tête du pays est essentielle pour maintenir la stabilité politique et économique de la Côte d’Ivoire, mais aussi pour protéger leurs intérêts personnels et préserver leur position de pouvoir. Pour ce groupe, l’avenir de la Côte d’Ivoire est étroitement lié à la continuité du leadership de Ouattara, ce qui explique leur loyauté indéfectible envers lui et leur opposition farouche à toute tentative de le remplacer ou de le démettre de ses fonctions.
Le deuxième groupe est la population du nord reuni autour de L’Union des cadres du Grand Nord (UGN), qui voit en Alassane Ouattara la petite pierre qui peut faire toute la différence. Cette région qui toujours été considerée comme bastion du parti et le principal soutien de Ouattara lors des élections présidentielles.
Pour ces membres du parti, Ouattara incarne l’espoir de la promotion de leur groupe ethnique et de leur région au sein de la Côte d’Ivoire. Ils estiment que la continuité de son leadership est essentielle pour la défense de leurs intérêts et pour éviter une régression économique et sociale.
Ce groupe est également intéressé par l’entretien de la flamme de la division et de la victimisation, car cela leur permet d’obtenir le soutien constant de la population du Nord et du Grand Nord. En effet, en exploitant les tensions ethniques et régionales, ces membres du parti peuvent renforcer leur base électorale et mobiliser les électeurs dans leur faveur.
Ce groupe qui est souvent constitué de personnes peu alphabétisées, mais qui détiennent néanmoins une grande partie de la richesse du pays. Ces personnes peuvent acheter les services de communicateurs pour entretenir la flamme de la division et de la haine sur les réseaux sociaux et dans les médias traditionnels, dans le but de maintenir leur influence et leur pouvoir.
Cela peut créer un environnement politique toxique et propice à la polarisation de la société, où les discussions et les débats d’idées sont souvent remplacés par des attaques personnelles et des invectives. Cela peut également faire obstacle au développement d’un système politique plus démocratique et participatif, où les citoyens peuvent discuter de manière constructive de leurs divergences d’opinion et travailler ensemble pour faire avancer leur pays.
Enfin, le troisième groupe est composé des Akan du sud du pays, qui cherchent à conserver leur pouvoir mais n’ont pas la même conviction, leur differents postes dans l’administration avec tous les advantages que les deux autres groupes. Les Akan sont la plus grande ethnie du pays et ont souvent été considérés comme les détenteurs du pouvoir politique en Côte d’Ivoire.
Le troisième groupe du système sur lequel repose le RHDP est composé des transfuges d;autres partis et principalement du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA), parti historique de la Côte d’Ivoire, qui ont rejoint le RHDP pour des raisons économiques et politiques. En effet, ces membres du parti ont été attirés par les perspectives de pouvoir et de richesse offertes par le RHDP, ainsi que par la possibilité de travailler avec Ouattara, dont la gestion économique et financière est reconnue.
Ces transfuges sont donc souvent perçus comme opportunistes, prêts à tout pour accéder au pouvoir et à ses bénéfices. Ils ont été accusés d’avoir trahi le PDCI-RDA et de ne pas avoir respecté les valeurs et les idéaux du parti. Toutefois, pour eux, le choix de rejoindre le RHDP est souvent motivé par des considérations pragmatiques, liées aux opportunités politiques et économiques offertes par ce parti. Leur position est donc fragile et soumise aux fluctuations de l’environnement politique et économique.
Le RHDP peut-Il survivre sans Alassane Ouattara
Cependant, la question qui se pose est de savoir si le RHDP peut survivre sans Alassane Ouattara. Les observateurs sont sceptiques quant à la capacité du parti à maintenir son unité sans son leader charismatique. En effet, le parti est fondé sur la personnalité et la popularité d’Ouattara, plutôt que sur une véritable idéologie politique ou une plateforme claire.
De plus, les trois groupes qui soutiennent Ouattara ont des motivations et des intérêts différents. Sans Ouattara pour les unifier, il est peu probable qu’ils continuent de travailler ensemble pour soutenir le RHDP. Les luttes pour le pouvoir et les rivalités ethniques risquent de ressurgir, menaçant ainsi la stabilité et la cohésion du parti.
Pour que le RHDP puisse survivre après le départ d’Alassane Ouattara, le parti a besoin de renforcer ses liens avec son père fondateur, le président Henri Konan Bédié. Bédié est un personnage influent en Côte d’Ivoire et il a une grande expérience politique. Il peut aider à maintenir l’unité du parti et à assurer une transition pacifique après le départ d’Ouattara. De plus, le respect de l’accord de Daoukro, qui a été violé par Ouattara et ses partisans les “Tchombé”, est essentiel pour restaurer la confiance et la crédibilité du parti auprès de ses électeurs et de la communauté internationale. Sans ces deux éléments clés, le RHDP risque de se déchirer et de disparaître après le départ de son leader charismatique.
Il est intéressant de noter que malgré les groupes qui composent le système sur lequel repose le RHDP, il existe des individus qui ne se retrouvent dans aucun de ces groupes, mais qui partagent néanmoins certaines valeurs et objectifs avec le parti. C’est le cas de ceux qui sont plus fidèles à Ouattara en tant que personne plutôt qu’à une idéologie politique.
Ces personnes peuvent être critiques envers Ouattara et son régime, mais leur soutien est motivé par leur conviction que Ouattara est la meilleure option pour le développement de la Côte d’Ivoire et pour la continuité de la politique des grands travaux initiée sous Houphouët-Boigny. Ils peuvent même envisager une collaboration avec le régime d’Ouattara dans un souci de sincérité et de volonté de faire avancer le pays dans la direction souhaitée par les pères fondateurs de la Côte d’Ivoire.
En conclusion, il est clair que le RHDP est un parti politique très fragile qui ne pourra pas survivre sans Alassane Ouattara. Le système sur lequel repose le parti est constitué de groupes hétérogènes avec des motivations et des intérêts différents, ce qui rend difficile le maintien de l’unité sans la présence de son leader charismatique. Les défis auxquels est confronté le RHDP sont énormes et les observateurs se demandent si le parti sera en mesure de surmonter ces défis sans éclater. Seul l’avenir nous dira si le RHDP survivra ou s’il disparaîtra avec le départ d’Ouattara.
JACQUES ROGER