GUINÉE : Éliminer un Concurrent Gênant – Mission Atteinte

Le verdict est tombé, implacable. Ibrahima Kassory Fofana, ancien Premier ministre du régime déchu d’Alpha Condé, a été condamné à cinq ans de prison ferme par la Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief). Un procès aux allures de règlement de comptes, où la justice semble avoir trouvé son coupable idéal.

Officiellement, il s’agit d’une condamnation pour enrichissement illicite, détournement de deniers publics et blanchiment de capitaux. Une somme astronomique de 220 000 euros d’amende vient couronner l’épreuve, accompagnée d’une menace de confiscation de son patrimoine. Mais au-delà des chiffres et des chefs d’accusation, une autre réalité transparaît : celle d’une élimination politique savamment orchestrée.

Fofana n’est pas un simple justiciable. Il était un acteur majeur du paysage politique guinéen, un potentiel faiseur de rois, voire un prétendant au trône. Sa chute, en plein redécoupage du jeu politique sous la transition, ne peut être perçue comme une simple coïncidence. Qui s’étonnera que les anciens barons du régime Condé deviennent soudainement les boucs émissaires d’une opération de “mains propres” où l’arbitraire le dispute à l’opportunisme ?

L’histoire est tristement répétitive. En Afrique, la justice devient souvent l’instrument privilégié pour neutraliser les adversaires politiques. La corruption, fléau bien réel, est brandie comme une épée à double tranchant : elle frappe sélectivement, épargnant les alliés du moment, abattant les figures dérangeantes. La Crief ne condamne pas seulement un homme ; elle assène un message. Et ce message est clair : quiconque aspire à se dresser contre l’ordre établi finira broyé par la machine judiciaire.

Fofana paie le prix d’avoir été au mauvais endroit au mauvais moment. Son ambition, réelle ou supposée, n’a laissé d’autre choix à ses adversaires que de le faire tomber avant qu’il ne puisse renaître politiquement. Mission atteinte : un concurrent gênant a été écarté. Mais pour combien de temps ?

JACQUES ROGER
LECONSERVATEUR