LA DETTE IVOIRIENNE : UN PUITS SANS FOND OU UN LEVIER DE DÉVELOPPEMENT ?
LA DETTE IVOIRIENNE : UN PUITS SANS FOND OU UN LEVIER DE DÉVELOPPEMENT ?

Plus de 30 000 milliards de FCFA. Voilà le poids écrasant de la dette publique ivoirienne. Un chiffre vertigineux, qui devrait susciter, à tout le moins, une interrogation collective. Pourtant, il semble que la gestion de cette dette se fasse dans une opacité inquiétante, où le contribuable ivoirien est sommé de payer sans jamais comprendre où vont réellement ces milliards empruntés en son nom.
Et voilà que l’État ivoirien lance, encore une fois, un appel sur les marchés financiers pour lever 400 milliards de FCFA afin d’« apurer une dette ». Mais quelle dette exactement ? À qui devons-nous ces milliards et, surtout, qu’en a-t-on fait ? A-t-on financé des infrastructures durables, des hôpitaux modernes, des écoles bien équipées ? A-t-on investi dans l’agriculture ou l’industrialisation pour assurer notre autosuffisance et créer des emplois ? Ou bien ces fonds se sont-ils évaporés dans des chantiers surfacturés, des contrats opaques et des éléphants blancs inutiles ?
Le paradoxe est frappant : chaque année, le gouvernement nous assure que la croissance économique est au rendez-vous, que les indicateurs sont « au vert », que la Côte d’Ivoire est un modèle de dynamisme en Afrique de l’Ouest. Mais alors, comment expliquer que cette croissance ne se traduise pas par une réduction de la dette, mais bien par son explosion ? Une dette maîtrisée ne devrait-elle pas progressivement diminuer plutôt que de s’accroître à un rythme effréné ?
Dans cette spirale infernale, c’est l’Ivoirien lambda qui paie le prix fort. Car qui dit dette dit remboursement. Et qui dit remboursement dit austérité, hausses d’impôts déguisées, augmentation des coûts de services publics et privatisation des secteurs clés au profit de multinationales. Pendant ce temps, le gouvernement continue d’endetter le pays sans débat public, sans transparence, sans rendre de véritables comptes aux citoyens.
Les générations futures hériteront-elles d’un pays en ruine, étranglé par des créanciers internationaux et dépendant d’aides extérieures pour survivre ? Sommes-nous condamnés à reproduire le cycle des ajustements structurels imposés par le FMI dans les années 80 et 90 ? Ou bien avons-nous le courage d’exiger des comptes, de demander où passent ces 30 000 milliards de FCFA, et d’exiger un audit clair et indépendant de notre dette publique ?
L’heure n’est plus aux discours triomphalistes ou aux chiffres abstraits lancés dans des salons feutrés d’Abidjan. Il est temps d’exiger la vérité. L’Ivoirien mérite de savoir où vont ses milliards. Car une dette cachée est une dette suspecte. Et une dette suspecte est une dette dangereuse.

JACQUES ROGER
LECONSERVATEUR