Bah Oury : Silence coupable et statu quo inquiétant face à une transition sans fin en Guinée
Guinée : Vers une Transition Indéfinie ?
La Guinée est en pleine dérive. Alors que la transition militaire entame sa quatrième année, le Premier ministre Amadou Oury Bah, ancien opposant de renom, semble à l’aise dans un statu quo qui ne laisse entrevoir aucun retour rapide à l’ordre constitutionnel. Lors de sa récente intervention à l’ONU, Bah a confirmé que la présidentielle tant attendue n’aurait pas lieu en 2024. Un projet de nouvelle constitution sera soumis à référendum en décembre, laissant présager une prolongation de la transition militaire sans horizon clair.
Cela pose une question très importante : qu’en est-il des promesses faites aux Guinéens et à la communauté internationale concernant la transition vers un régime civil par l’organisation d’élections libres et transparentes ? Les espoirs placés dans une alternance démocratique s’estompent à mesure que les mois s’écoulent. Les retards successifs semblent orchestrés pour permettre à la junte de consolider son pouvoir, tout en éloignant toute perspective de remise des clés du pays aux civils.
Ce qui est peut-être le plus troublant dans cette situation, c’est l’attitude de Bah Oury lui-même. Ce même homme qui, il y a quelques années encore, incarnait la lutte pour la justice, la démocratie et la transparence en Guinée, paraît aujourd’hui se fondre dans les délices du pouvoir. Nous avons eu l’occasion de l’avoir à plusieurs reprises comme invité, et à chaque rencontre, il plaidait pour une Guinée plus juste, démocratique et libre. Comment cet intellectuel, autrefois salué pour son honnêteté et sa bravoure, peut-il accepter ce recul démocratique sans élever la voix ? Sa participation active dans ce processus de transition interminable soulève des doutes sur ses véritables intentions. La tentation du pouvoir a-t-elle eu raison de ses convictions ?
Pire encore, son silence face à l’injustice flagrante subie par un autre ancien Premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana, est insupportable. Incarcéré depuis plus de trois ans sans raisons valables, sans procès juste et équitable, Kassory est devenu le symbole d’une justice à deux vitesses. Comment Bah Oury peut-il rester muet face à cette injustice alors qu’il sait très bien que dans ce genre de système, personne n’est à l’abri ? Bah lui-même a des ennemis, et s’il ne tire pas les leçons de l’histoire, que craint-il de devenir si le “général” auto-proclamé Doumbouya chute demain ? La roue tourne vite dans la politique africaine, et malheur à celui qui ne l’aura pas compris.
La situation devient de plus en plus intenable pour les Guinéens, qui voient leur pays s’enliser dans une transition sans fin. Les promesses de réformes politiques semblent lointaines, et les préoccupations d’un retour à un système autocratique se font de plus en plus pressantes. Pour sortir de cette impasse, il est essentiel de redonner la parole au peuple, par le biais d’élections libres et équitables, qui permettront de choisir un leadership civil légitime. Le silence d’Amadou Oury Bah face à ces attentes et injustices est non seulement inquiétant, mais aussi décevant, venant d’une figure qui a longtemps incarné l’espoir de changement.
JACQUES ROGER