Bouaké (Côte d’ivoire): La spoliation des terres et l’installation croissante des populations étrangères

Depuis la rébellion de Soro Guillaume en 2002, les populations de Bouaké ont été dépouillées illégalement et légalement de leurs terres, dans des conditions entachées de malhonnêteté. Fuyant les humiliations et les assassinats, les autochtones de Bouaké se sont réfugiés dans d’autres villes, principalement à Abidjan et Yamoussoukro. Ainsi donc, le scénario des Ébrié à Abidjan qui soulève des préoccupations majeures, car l’urbanisation non maîtrisée de la capitale économique de la Côte d’Ivoire est entrain de se passer à Bouaké.
Bouaké, l’une des villes les plus importantes de la Côte d’Ivoire, est confrontée à un défi majeur : la spoliation des terres et l’installation croissante des populations étrangères. Cette problématique a des répercussions significatives sur les dynamiques foncières et la cohésion sociale de la région. Il est impératif d’analyser les causes de cette situation préoccupante et d’explorer des solutions viables pour protéger les droits des communautés locales.
Plusieurs facteurs contribuent à la spoliation des terres et à l’installation croissante des populations étrangères à Bouaké :

L’une des principales raisons de la spoliation des terres est la vulnérabilité économique. Les populations étrangères, fuyant souvent les conflits, la pauvreté et la recherche de meilleures opportunités économiques, s’installent à Bouaké. Il arrivent avec beaucoup d’argent. Malheureusement, cette installation se fait souvent au détriment des terres appartenant aux communautés locales, qui se retrouvent “dépossédées” de leurs ressources foncières ancestrales.
Les conflits régionaux sont également des facteurs contribuant à cette situation. Les crises politiques et sécuritaires dans les pays voisins, tels que le Mali, le Burkina Faso, la Guinée et le Niger, ont entraîné un afflux massif de réfugiés et de personnes déplacées cherchant refuge en Cote d’ivoire et plus précisément à Bouaké. Cette affluence démographique met une pression considérable sur les terres disponibles et accentue les tensions foncières existantes.
Un autre problème sous-jacent est la gouvernance foncière défaillante. Les lacunes dans les mécanismes de régulation et de contrôle foncier facilitent la spoliation des terres. Les transactions foncières sont souvent réalisées sans respecter les droits fonciers des communautés locales, créant ainsi un climat propice à l’exploitation et à l’acquisition illégale de terres.
L’impact de l’installation croissante de populations étrangères:
L’arrivée de populations étrangères à Bouaké a un impact significatif sur la dynamique foncière de la région. Les terres autrefois détenues par les Baoulé sont de plus en plus achetées par ces nouveaux arrivants, créant ainsi des tensions et des conflits entre les populations locales et les nouveaux propriétaires. La pauvreté et la méconnaissance des enjeux fonciers poussent certaines personnes à vendre leurs terres à des prix dérisoires, accentuant ainsi la spoliation des terres baoulé.
Les falsifications de documents:
Un autre aspect préoccupant de cette situation est la falsification de documents. En l’absence des propriétaires légitimes, des proches ou des opportunistes manipulent les documents de propriété pour vendre illégalement les terres. Cette pratique illégale aggrave encore davantage la spoliation des terres et crée un climat d’insécurité juridique.
Face à ces défis, des solutions doivent être envisagées pour protéger les droits fonciers des communautés locales et préserver l’équilibre social de Bouaké.
Solutions possibles :

Tout d’abord, il est essentiel de renforcer les réglementations foncières. Des lois plus strictes doivent être mises en place pour contrôler les transactions foncières et garantir une protection adéquate des droits fonciers des communautés locales. Une application rigoureuse de ces lois est nécessaire pour dissuader les pratiques illégales et les transactions frauduleuses.
En parallèle, la gouvernance foncière doit être renforcée. Cela implique d’améliorer la transparence, la responsabilité et la participation des parties prenantes. La création de commissions foncières locales peut faciliter la résolution des conflits et permettre une gestion plus efficace des terres.
La sensibilisation et l’éducation jouent également un rôle crucial. Les communautés locales doivent être informées de leurs droits fonciers et des risques associés à la spoliation des terres. La connaissance des procédures légales de vente et d’achat de terres est essentielle pour prévenir les transactions illégales. Des campagnes de sensibilisation doivent être menées pour informer les communautés et les inciter à protéger leurs droits fonciers.
En outre, une collaboration étroite entre les autorités locales de Bouaké et les institutions gouvernementales nationales est indispensable. Il est primordial de mettre en place des mécanismes de coordination et de suivi pour assurer une mise en œuvre efficace des politiques foncières. Cette collaboration permettra d’élaborer des politiques cohérentes et harmonisées, prenant en compte les besoins et les préoccupations des communautés locales tout en favorisant le développement équitable de la région.
Enfin, il est crucial de souligner que la protection des droits fonciers des communautés locales ne doit pas entraver le développement économique de Bouaké. Il est possible de trouver un équilibre en promouvant des investissements responsables et durables qui bénéficient à la fois aux communautés locales et aux nouveaux arrivants. Des initiatives telles que la création de partenariats entre investisseurs étrangers et communautés locales peuvent favoriser un développement économique inclusif et respectueux des droits fonciers.
Que fera le ministre Amadou Koné s’il est élu maire?

La question de savoir si M. Amadou Koné, ancien rebelle, aura le courage de faire face à ses anciens amis de la rébellion devenus des propriétaires terriens à Bouaké suscite des interrogations légitimes. Si M. Koné est élu maire, il sera confronté à un dilemme délicat qui nécessitera une prise de position claire. D’un côté, il devra défendre les droits fonciers des communautés locales et prévenir la spoliation des terres. De l’autre côté, il devra naviguer avec précaution pour ne pas rompre les liens avec ses anciens camarades de la rébellion qui ont acquis des terres de manière controversée. Ce sera un test pour M. Koné afin de démontrer sa volonté et sa capacité à agir avec intégrité et à prendre des décisions justes et équitables pour le bien-être de la population de Bouaké.
En conclusion, la spoliation des terres et l’installation croissante des populations étrangères à Bouaké sont des défis majeurs auxquels la ville est confrontée. Cependant, des solutions existent pour préserver les droits fonciers des communautés locales et promouvoir un développement équilibré. En renforçant les réglementations foncières, en améliorant la gouvernance foncière, en sensibilisant les communautés et en favorisant la collaboration entre les autorités locales et nationales, Bouaké peut protéger son patrimoine foncier tout en assurant un avenir prospère pour ses habitants.
JACQUES ROGER
