GUINÉE : L’incertitude règne en Guinée après le renversement du président Alpha Condé
Les putschistes ont instauré un couvre-feu et la fermeture des frontières. Le président, accusé d’excès de pouvoir, est détenu depuis dimanche.

Les militaires putschistes n’avaient oublié aucun des ustensiles ni clichés, sortis en pareille circonstance pour leur première apparition sur les ondes guinéennes : bérets rouges vissés sur la tête, treillis camouflés fermement sanglés, cagoules et lunettes noires. Voilà pour la panoplie.
« Nous avons décidé après avoir pris le président, qui est actuellement avec nous (…) de dissoudre la Constitution en vigueur, de dissoudre les institutions », dont le gouvernement, a déclaré, dans une vidéo, le chef des forces spéciales, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, au nom d’un « Comité national du rassemblement et du développement » (CNRD), au côté de putschistes en uniforme et en armes.
Il a également annoncé la fermeture des frontières terrestres et aériennes de ce pays d’Afrique de l’Ouest plongé depuis des mois dans une grave crise économique et politique.
Un couvre-feu annoncé sur tout le territoire
Dénonçant la « gabegie », le lieutenant-colonel Doumbouya, enveloppé dans un drapeau guinéen, a promis d’« engager une concertation nationale pour ouvrir une transition inclusive et apaisée », dans une déclaration à la télévision nationale qui a brièvement interrompu ses programmes.
Les putschistes ont également diffusé une vidéo du président Condé entre leurs mains. Ils lui demandent s’il a été maltraité et Alpha Condé, 83 ans, en jean et chemise froissée dans un canapé, refuse de leur répondre.
Le discours aux accents populistes justifiait le coup de force par la sauvegarde nécessaire de la patrie mise en danger, selon eux, par l’excès de pouvoir d’Alpha Condé. Celui-ci, président mal réélu en octobre 2020 pour un troisième mandat après s’être taillé une nouvelle constitution à sa mesure, serait détenu par les acteurs de ce putsch conduit par de jeunes officiers des forces spéciales, habituellement chargés de la lutte antiterroriste.
Vingt-quatre heures après l’apparition soudaine et brutale de ces militaires factieux, le déroulé des événements comporte toujours ses zones d’ombre. Les habitants du centre de Conakry racontent avoir été réveillés, dimanche au petit matin, par le « tac-a-tac » d’armes automatiques crépitant aux abords de la présidence de la république guinéenne située sur la presqu’île de Kaloum, quartier d’affaires de la capitale et centre administratif de l’Etat. Ces échanges de « tirs nourris », selon des témoins, opposaient vraisemblablement les éléments de la garde présidentielle aux hommes du lieutenant-colonel Mamady Doumbouya. Celui qui a émergé à la télévision guinéenne comme le leader du groupe.

Il semblerait que les hommes de ce colosse − un ancien de la Légion étrangère française − aient assez rapidement pris le dessus. Pour ce que l’on en sait, aucune victime n’est à déplorer. A l’exception d’Alpha Condé, tombé, au sens figuré, sur le champ de bataille politique. Le président du Parlement, Amadou Damaro Camara, deuxième personnage de l’Etat, généralement décrit comme un dur au sein du régime d’Alpha Condé, aurait également été arrêté. Le sort du ministre de la défense, Mohamed Diané, autre poids lourd du pouvoir, demeurait quant à lui incertain.
« Les gens ont peur, ils se demandent quelle sera la suite et préfèrent rester en sécurité chez eux plutôt que de se frotter aux militaires »
Le vieux président, âgé de 83 ans, est apparu sur une vidéo diffusée par les putschistes, la mine défaite, vêtu d’un jean et d’une chemise froissée, assis dans un canapé. Sous la surveillance des militaires, il affichait ce regard noir et buté familier chez cet ancien opposant devenu en 2010 le premier président démocratiquement élu depuis l’indépendance (en 1958) de cette ancienne colonie française.
Quant à Alpha Condé, on sait d’après les images qu’il a été conduit en dehors du palais de Sékoutoureya, sans avoir été molesté. « Le président est avec nous. Il est dans un lieu sûr. Il a déjà vu un médecin » a affirmé Mamady Doumbouya. Pas suffisant, pour apaiser l’ONU dont le Secrétaire général Antonio Guterres a « fermement condamné la prise du pouvoir par la force », appelant à la libération immédiate du président.
Le Lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, leader des putsch
LEMONDE
