CÔTE D’IVOIRE: Tidjane Thiam et la nationalité ivoirienne : Ce que dit vraiment le droit
Tidjane Thiam et la nationalité ivoirienne : Ce que dit vraiment le droit

Depuis plusieurs semaines, un débat passionné traverse la Côte d’Ivoire : Tidjane Thiam, président du PDCI-RDA, a été radié de la liste électorale par décision de justice, au motif qu’il ne serait plus ivoirien. Cette décision soulève une question capitale : la Côte d’Ivoire est-elle dans son bon droit ? Au-delà des polémiques politiciennes, il est essentiel de revenir aux textes de loi, aux principes juridiques fondamentaux et aux faits concrets.
1. Un certificat de nationalité ivoirienne en vigueur
Tidjane Thiam détient un certificat de nationalité ivoirienne, délivré en 2020 par l’État ivoirien. Ce document officiel atteste qu’il est bien ivoirien. En droit, un tel certificat fait foi jusqu’à preuve du contraire. Pour le contester, une démarche judiciaire spécifique doit être engagée : une action en annulation devant le tribunal compétent. Or, aucune décision n’a annulé ce certificat à ce jour.
Cela signifie que l’État ivoirien reconnaît formellement sa nationalité, sauf à se contredire lui-même, ce qui est contraire aux principes de l’État de droit.
2. La perte de la nationalité française n’efface pas l’ivoirienne
Certains ont tenté de justifier cette radiation en affirmant que Tidjane Thiam, ayant autrefois acquis la nationalité française, aurait perdu la nationalité ivoirienne. Cette interprétation est non seulement erronée, mais dangereuse.
En réalité :
- Il a renoncé à la nationalité française, comme l’exige la loi ivoirienne pour être candidat.
- Le code de la nationalité précise que la perte de la nationalité doit être constatée, elle ne se présume pas.
- Et surtout, aucune preuve officielle n’atteste de cette perte de nationalité ivoirienne.
3. Que dit l’article 3 du Code de la nationalité de 1961 ?

Un article fondamental du droit ivoirien mérite d’être rappelé : l’article 3 du Code de 1961 précise que :
« Les dispositions relatives à la nationalité contenues dans les traités ou accords internationaux dûment ratifiés et publiés s’appliquent, même si elles sont contraires à la législation intérieure. »
Autrement dit, si la Côte d’Ivoire a signé un accord international (notamment dans le cadre de la CEDEAO, ou avec d’autres pays africains ou européens), ces accords s’imposent même aux lois ivoiriennes. Il serait donc contraire au droit international de retirer la nationalité à un citoyen en dehors des procédures prévues, ou en violation de traités en vigueur.
4. Une décision contestable sur le fond et sur la forme
La radiation de M. Thiam de la liste électorale repose sur une interprétation subjective et sans base juridique solide. Elle semble davantage guidée par une volonté d’exclusion politique que par le respect du droit.
Une telle décision :
- viole le principe de sécurité juridique, en remettant en cause un acte administratif en vigueur (le certificat de nationalité), sans l’annuler ;
- piétine le droit fondamental à la participation politique, inscrit dans la Constitution ivoirienne ;
- et risque de décrédibiliser l’appareil judiciaire, en l’instrumentalisant à des fins partisanes.
5. Une démocratie ne peut s’accommoder de l’arbitraire

Au-delà du cas de Tidjane Thiam, cette affaire engage l’image de la justice ivoirienne, la crédibilité du processus électoral, et plus largement l’avenir démocratique du pays. Quand la loi devient un outil pour éliminer des adversaires, c’est la République elle-même qui vacille.
La question n’est pas de savoir si l’on soutient ou non un homme politique, mais si la règle de droit s’applique à tous, de manière équitable, transparente et prévisible.
Conclusion : défendre le droit, c’est défendre la Côte d’Ivoire
Tidjane Thiam est en possession d’un certificat de nationalité ivoirienne, en règle, reconnu par l’État. Il a renoncé à la nationalité française. Aucun tribunal n’a annulé son certificat. Dans ces conditions, le radier de la liste électorale est non seulement injuste, mais juridiquement indéfendable.
Refuser cela, c’est défendre la démocratie, la justice, et le droit des Ivoiriens de choisir librement leurs dirigeants. Car aujourd’hui, ce n’est pas seulement Thiam qu’on écarte : c’est la voix du peuple qu’on cherche à faire.

JACQUES ROGER
LECONSERVATEUR