Le discours de Tidjane Thiam, président du PDCI-RDA : Une question de dignité – Vérité, injustice et détermination
Chers Ivoiriens,
Chères sœurs, chers frères,
Chers amis de la Côte d’Ivoire,
Le 23 décembre 2023, il y a un peu plus de quinze mois, j’ai eu l’immense privilège et l’honneur d’être élu démocratiquement Président du PDCI-RDA, devenant ainsi le troisième à occuper cette haute fonction, après le Président Félix Houphouët-Boigny et le Président Henri Konan Bédié. Cette confiance m’a été accordée à plus de 96 % des suffrages.
Depuis cette élection – et même bien avant – vous m’avez vu à l’œuvre, sans relâche, sillonner notre pays, aller à la rencontre de toutes les couches socioprofessionnelles, de toutes les catégories sociales et ethniques, pour dresser un diagnostic réaliste et précis de l’état de la Nation.
Avec l’aide de tous les cerveaux du PDCI-RDA, nous avons formulé des propositions concrètes, construit un programme ambitieux pour améliorer la santé pour tous, garantir à chaque enfant une éducation de qualité et les opportunités qu’elle ouvre, faire régner l’État de droit, instaurer une paix durable, et surtout, redonner confiance : pour que plus jamais personne ne vive dans la peur.
Je l’ai dit, je l’ai fait. Et j’ai été très heureux, la semaine dernière, de voir que vous, militants du PDCI, avez reconnu ce travail en me renouvelant votre confiance. Nous avons enregistré un taux de participation de 93 % à l’occasion de cette consultation interne – un chiffre remarquable. Et surtout, j’ai été désigné candidat du PDCI à l’élection présidentielle avec un score de 99,5 %, supérieur même aux 96 % obtenus lors de mon élection à la tête du parti. Je ne vous le cache pas : cela m’a profondément touché.
Par ailleurs, j’ai eu l’honneur d’être désigné par les présidents de 25 partis d’opposition – parmi lesquels Mme Simone Gbagbo, ancienne Première dame de Côte d’Ivoire, M. Charles Konan Banny, ancien Premier ministre, M. Alcide Djédjé, ancien ministre, et bien d’autres – comme coordonnateur de notre plateforme commune : la Coalition pour une Alternance Pacifique en Côte d’Ivoire. Cette union des forces du changement est une avancée majeure pour notre pays.
Enfin, je souhaite partager une information importante. Nous avons commandé un sondage à une organisation de renommée internationale afin de mesurer l’état de l’opinion à quelques mois de l’échéance présidentielle. Les résultats, que nous avons reçus cet après-midi même, révèlent plusieurs enseignements, dont deux majeurs :
- En matière de popularité des leaders politiques – mesurée par le solde entre opinions favorables et opinions défavorables – j’ai l’honneur d’arriver largement en tête, avec un écart très significatif. Je devance notamment l’ancien Président de la République, Laurent Gbagbo, qui occupe la deuxième place.
- Et surtout, ces résultats montrent une dynamique claire en faveur de l’alternance.
Nous rendrons publics l’ensemble des données, car nous croyons profondément en la transparence.
Mes chers compatriotes,
Chères sœurs, chers frères,
Chers amis de la Côte d’Ivoire,
Le deuxième point que je souhaite partager avec vous ce soir est sans doute le plus important.

Nous avons demandé aux Ivoiriens, dans le cadre d’un sondage indépendant, pour qui ils voteraient au second tour de l’élection présidentielle, dans l’hypothèse d’un duel entre le président Alassane Ouattara et moi-même. Le résultat est sans équivoque : 57 % en ma faveur contre 41 % pour M. Ouattara. Un écart de plus de 15 points.
Alors oui, je peux dire, sans hésitation et sans réserve, que les Ivoiriens ont reconnu les efforts que j’ai déployés ces derniers mois.
Mais que se passe-t-il aujourd’hui, et pourquoi suis-je devant vous ce soir ?
J’ai appris qu’une décision de justice, émanant d’une instance supposée indépendante, a prononcé ma radiation de la liste électorale. En clair, cette décision vise à m’empêcher d’être candidat à l’élection présidentielle.
Soyons clairs : le pouvoir vient tout simplement d’éliminer, par un raisonnement juridique inique et incompréhensible, son principal rival, comme le confirment tous les sondages. Ce n’est pas normal. Et ce n’est pas l’image que notre pays devrait donner au monde.
Depuis des mois, on tente de faire croire à des divisions au sein du PDCI, à une contestation de mon leadership. On a vu circuler mensonges sur mensonges, calomnies sur ma personne, attaques sur ma nationalité. Pourtant, le sondage publié aujourd’hui montre que les Ivoiriens n’y ont accordé aucun crédit. Ces manœuvres ont échoué.
Alors, puisque les attaques n’ont pas suffi, les masques sont tombés : on m’empêche purement et simplement de concourir.
Ce sont des militants du parti au pouvoir qui ont introduit ces recours, représentés par des avocats proches du pouvoir, devant des juges nommés par ce même pouvoir. Voilà la réalité.
Je le dis avec gravité : cette décision est un recul démocratique. Elle est injuste, injustifiée et inacceptable.
Notre pays a trop souffert de crises post-électorales. Et je crains qu’à nouveau, nous soyons au bord d’une nouvelle impasse. Le président Alassane Ouattara est actuellement dans un troisième mandat contesté, et des sources fiables évoquent l’hypothèse d’un quatrième mandat. Ce cumul d’injustices crée un climat lourd, potentiellement dangereux pour la stabilité de notre nation.
Vous savez à quel point je suis attaché à la paix, à la légalité, au rejet de la violence. Mais je le dis solennellement : je n’accepterai pas cette radiation. Le PDCI ne l’acceptera pas non plus.
Depuis l’annonce de cette décision, j’ai reçu des centaines de messages de soutien. Je vous en remercie de tout cœur. Cela me touche profondément. Mais je veux vous dire en retour : je suis absolument déterminé à me battre.
Déterminé pour que chaque Ivoirienne, chaque Ivoirien puisse choisir librement son président. Déterminé pour que la démocratie ne soit pas confisquée. Déterminé pour que le candidat choisi librement par le PDCI, à 99,5 %, soit celui qui nous représentera à la prochaine élection présidentielle.
Il n’y aura ni plan B, ni plan C.
J’en appelle à vous, chers Ivoiriens.
J’en appelle à nos amis de la Côte d’Ivoire à travers le monde.
J’en appelle à la communauté internationale.
Ce combat dépasse ma personne. C’est une question de justice. C’est une question de démocratie.
J’ai souvent cité le Président Houphouët-Boigny dans mes interviews passées. Il disait, dans les moments graves : « C’est une question de dignité », lorsqu’il voulait tracer une ligne rouge à ne pas franchir.
Eh bien, mes chères sœurs, mes chers frères, je vous le dis ce soir : la possibilité, pour chaque Ivoirienne et chaque Ivoirien, de choisir librement, sans crainte, celle ou celui qui doit les diriger, est une question de dignité.
Vous pouvez compter sur moi pour mener ce combat avec détermination.
Et je ne doute pas qu’au terme de ce combat, vous me porterez, par vos suffrages, de manière démocratique et libre, à la présidence de la République, afin que nous puissions ensemble remettre l’homme et le capital humain au cœur de notre projet national, comme le PDCI vous l’a promis, et comme je m’y suis personnellement engagé.
Je vous remercie pour votre attention, et je vous dis à très bientôt.
Analyse Politique : Un Discours de Clarté, de Confrontation et de Construction
1. Un moment charnière, une posture présidentielle assumée
Le discours de Tidjane Thiam marque un tournant. Il ne s’agit plus simplement d’un appel à la mobilisation politique ou d’une réaction à chaud : c’est un discours de chef d’État, assumé dans le ton, la posture et le contenu. Il trace une ligne de clivage claire entre le pouvoir sortant et une opposition qu’il incarne désormais à la fois comme leader du PDCI-RDA et coordonnateur d’une coalition nationale pour l’alternance.
2. La centralité du thème de la dignité
En invoquant le mot « dignité » à plusieurs reprises, et en le rattachant à la mémoire du président Félix Houphouët-Boigny, Thiam réussit un double coup politique :
- Il rappelle l’héritage moral et historique du PDCI-RDA.
- Il met en accusation implicite le régime actuel, présenté comme auteur d’une forfaiture, en rupture avec les valeurs fondatrices de la République.
Ce choix lexical fait écho à une dimension morale de l’engagement politique, capable de rallier au-delà des clivages partisans.
3. Une dénonciation frontale de l’appareil d’État instrumentalisé
Thiam dénonce avec précision les acteurs du processus de radiation :
- Des plaignants membres du parti au pouvoir ;
- Des avocats proches du pouvoir ;
- Des juges nommés par le pouvoir.
Il en résulte un message limpide : la justice a été instrumentalisée pour éliminer un adversaire politique gênant. Cette dénonciation vise à décrédibiliser la légitimité institutionnelle du régime actuel, tout en appelant à la vigilance démocratique.
4. Le leadership conforté par les faits et les chiffres
Thiam n’avance pas seul : il s’appuie sur des chiffres pour démontrer sa popularité et son ancrage :
- 96 % lors de son élection à la tête du PDCI-RDA ;
- 99,5 % lors de sa désignation comme candidat ;
- 57 % d’intentions de vote contre 41 % pour Ouattara au second tour selon un sondage international.
Cette stratégie des chiffres n’est pas anodine. Elle permet de transformer une injustice perçue en force politique. Le message est clair : « Si l’on veut m’éliminer, c’est bien parce que je suis en tête ».
5. Un appel à la résistance démocratique non violente
Thiam n’appelle ni à la violence, ni à la rupture institutionnelle. Il affirme son attachement à la paix et à l’État de droit, tout en rejetant avec fermeté sa radiation. Il appelle les Ivoiriens à ne pas céder, les militants à rester unis, et la communauté internationale à assumer ses responsabilités.
Ce positionnement le présente comme un homme d’État modéré mais ferme, victime mais combatif, conscient du risque de crise mais désireux de l’éviter par la mobilisation pacifique.
6. Un verrou stratégique : « Il n’y aura pas de plan B »
Cette phrase clé agit comme un verrou politique. Elle signifie :
- Pas de compromis avec la forfaiture ;
- Pas de remplacement du candidat Thiam par un autre ;
- Pas de désunion interne au PDCI-RDA.
C’est un message à la fois interne (pour rassurer et discipliner les troupes) et externe (pour mettre la pression sur les institutions nationales et internationales).
Conclusion
Ce discours est un acte fondateur dans la campagne présidentielle 2025. Tidjane Thiam se positionne clairement comme le porte-drapeau d’une alternance démocratique face à un système qui cherche à verrouiller le jeu électoral. Il conjugue les ressorts de la légitimité historique, de la légitimité populaire et de la légitimité morale.
C’est un discours de rupture, mais aussi un discours d’espoir, qui trace les contours d’un affrontement décisif : entre le droit du peuple à choisir librement son avenir et la tentation d’une confiscation du pouvoir par l’exclusion.