CÔTE D’IVOIRE: Quand la peur de Thiam et de l’alternance pousse au ridicule
BILLET – Quand la peur de l’alternance pousse au ridicule

La Côte d’Ivoire mérite mieux que des manipulations de salon et des arrangements nocturnes entre amis d’enfance devenus juges, ministres ou faiseurs de rois. Ce pays mérite la vérité des urnes, la noblesse du débat, et le respect de l’esprit républicain. Mais quand on observe les convulsions d’un certain cercle, autrefois sûr de sa toute-puissance, on comprend que la peur de perdre le pouvoir peut pousser au ridicule… et à l’illégalité.
Vendredi 11 avril, à la résidence du grand chef, une réunion de crise s’est tenue à huis clos, dans le plus grand secret. Les décideurs, les influents, les “irréductibles”, tous étaient là. Autour de la table : quelques figures bien connues du RDR devenu RHDP. L’objectif ? Trouver une parade à la décision de justice favorable au PDCI-RDA, et surtout, empêcher coûte que coûte la montée en puissance de celui que plus rien ne semble arrêter : Tidjane Thiam. Ce dernier, selon plusieurs sondages internes, battrait même le président sortant dès le premier tour.
C’est alors que la femme, certainement la plus puissante du pays, a soufflé : « Il n’est pas question qu’il soit candidat. » Un autre, le grand chef des “moutons d’Ado”, tout en sueur, a lancé : « S’il passe, c’est l’exil à vie pour nous. » Voilà donc ce qu’est devenu le débat politique : une affaire de survie personnelle, de peurs d’exil, de règlements de comptes feutrés.

Et pourtant… en 2010, c’est bien le PDCI-RDA qui a contribué à porter au pouvoir celui qui, en 2015, fut de nouveau soutenu par le même parti, cette fois par la voix du Président Henri Konan Bédié à travers l’Appel de Daoukro. Deux fois porté, aujourd’hui il cherche en retour à écarter ceux qui l’ont fait roi. Faut-il rappeler que c’est ce même PDCI-RDA qui a tout sacrifié pour préserver la paix et offrir une légitimité à une élection trouble ? Quelle ingratitude ! Quelle trahison morale !
Le cas Sylvia Bongo au Gabon devrait pourtant faire réfléchir. Autrefois intouchable, adulée, stratège de l’ombre, elle dort aujourd’hui derrière les barreaux. Pourquoi ? Parce qu’elle a cru que le pouvoir se conservait par la ruse, en verrouillant les institutions, en étouffant la concurrence et en utilisant la justice comme arme. Mais quand le vent tourne, ni le nom, ni les alliances étrangères ne protègent de la vérité.
Certains dans le clan Ouattara dénoncent la pression de Macky Sall ou de Macron. Mais la souveraineté d’un pays ne saurait justifier les dérives. En 2010, la France a déjà trop pesé dans une élection sous tension. La Côte d’Ivoire ne peut éternellement rester un laboratoire de règlements internationaux.
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La vérité est simple : le 24 avril, un verdict judiciaire pourrait déchoir Tidjane Thiam de sa nationalité ivoirienne, en lui demandant d’en faire une « nouvelle demande ». Un artifice grotesque, préfabriqué. C’est pour cela que la juge a refusé de délivrer son certificat de nationalité. C’est aussi la vraie raison pour laquelle le plus grand contradicteur de Thiam au PDCI-RDA n’a jamais déposé sa candidature à la présidence du parti. Tout était écrit.
Mais attention. Manipuler les institutions pour éliminer un candidat, c’est ouvrir la porte au chaos. C’est jouer avec le feu d’un peuple lucide, fatigué, mais prêt à défendre son choix. C’est bafouer l’idée même d’élections libres.
Il est encore temps pour le Président Ouattara de se ressaisir. D’écouter non pas les courtisans tremblants pour leurs privilèges, mais la voix de l’Histoire. Organiser des élections libres et transparentes, respecter l’alternance, et quitter le pouvoir avec dignité serait l’ultime preuve qu’il lui reste encore une once de grandeur.
Sinon, le 24 avril ne marquera pas la fin de Tidjane Thiam. Il marquera le début de la fin d’un régime.
Si, dans un pays, des hommes ont justifié la prise des armes sous prétexte d’une injustice sur la nationalité de leur leader — et qu’après des centaines de milliers de victimes, des dizaines de milliers de morts, des années d’exil, de division et de souffrances, ces mêmes hommes veulent aujourd’hui exclure un Ivoirien pur souche de la compétition électorale simplement parce qu’il est populaire… alors il faut le dire clairement : la CPI a échoué.
Conclusion

Si, dans un pays, les enfants d’immigrés — parfois eux-mêmes de nationalité incertaine — qui occupent toutes les institutions stratégiques de la République veulent, en toute impunité, priver un Ivoirien de naissance de son droit fondamental, alors la Côte d’Ivoire est en grave danger. Et si rien n’est fait, 2025 pourrait être pire que 2010, avec deux présidents, deux camps, et un pays de nouveau fracturé.

Car une chose est désormais certaine : le RDR devenu RHDP ne sera plus au pouvoir après 2025. La seule vraie alternative pacifique, républicaine et démocratique se jouera entre deux noms : THIAM ou Gbagbo ( ou son poulain).
Le Président Ouattara doit agir. Pour le pays. Pour son héritage. Pour éviter à la Côte d’Ivoire de replonger dans le chaos.
À lui de choisir s’il veut sortir par la grande porte… ou entraîner le pays dans une nouvelle tragédie.

JACQUES ROGER
LECONSERVATEUR