GABON 2025 – Bilan de la Transition au Gabon : Analyse de Mme Joelle Jocktane
Bilan de la Transition au Gabon : Analyse de Mme Jocktane
Par Jacques Roger
Dans une édition spéciale de l’émission Bit.by sur Afrique 2050 Radio, nous avons eu l’honneur d’accueillir Mme Jocktane, experte en insertion professionnelle et engagée dans l’analyse politique. Avec 15 ans d’expérience, elle a partagé son regard critique et documenté sur l’évolution du Gabon après 18 mois de transition sous la présidence de Brice Clotaire Oligui Nguema.
L’entretien a mis en lumière plusieurs dérives et promesses non tenues, tout en interrogeant la capacité réelle de la transition à répondre aux attentes du peuple gabonais.
Un Bilan Mitigé : Les Pratiques du Passé Toujours en Place
Interrogée sur l’impact de la transition, Mme Jocktane n’a pas mâché ses mots :
« Le bilan est très mitigé. Après 18 mois, nous constatons toujours les mêmes pratiques, les mêmes erreurs et les mêmes dérives. On nous avait promis une rupture, mais on assiste à une reproduction du système précédent. »
Elle pointe notamment du doigt le maintien des anciens barons du régime PDG dans l’administration actuelle, malgré leur implication passée dans la mauvaise gouvernance :
« Le président de la transition a fait appel aux mêmes figures de l’ancien régime sous prétexte d’une gouvernance inclusive. Mais comment espérer un changement si ceux qui étaient aux commandes des dérives passées sont toujours aux postes clés ? »

Un exemple frappant est la nomination du nouvel président de la Cour Constitutionnelle :
« Oligui Nguema dénonçait la présence de Marie-Madeleine Mborantsuo, belle-mère d’Ali Bongo, à la tête de la Cour constitutionnelle. Aujourd’hui, c’est son propre oncle qui dirige cette institution. C’est un véritable paradoxe. »
Des Projets Vitrines Sans Impact Réel
Parmi les initiatives annoncées par la transition, plusieurs ont été mises en avant, notamment Fly Gabon et la renégociation des contrats miniers et pétroliers. Pourtant, selon Mme Jocktane, ces projets ne répondent pas aux besoins prioritaires des Gabonais.
« Fly Gabon a été inauguré, mais aucun recrutement n’a eu lieu. Afrijet, qui opérait déjà dans le pays, continue sous la bannière Fly Gabon et n’a pas embauché de nouveaux employés. Même chose pour Assala Energy, dont l’acquisition reste opaque. »
Elle déplore l’effet d’annonce autour de ces projets :
« On parle beaucoup de lutte contre le chômage des jeunes, mais concrètement, aucune opportunité réelle n’a émergé. Les seules embauches notables ont eu lieu dans l’armée, mais cela ne suffit pas à répondre à la crise de l’emploi. »
L’Absence de Réformes Structurelles et de Justice
Pour Mme Jocktane, la transition aurait dû être une période d’assainissement, avec des mesures fortes pour réparer les institutions et sanctionner les responsables des détournements de fonds. Pourtant, aucun audit transparent n’a été réalisé sur la situation financière du pays.
« Restaurer les institutions, c’est faire la lumière sur la gestion passée. À ce jour, aucun véritable audit n’a été mené pour exposer l’ampleur des détournements. »
Elle ajoute que seuls quelques proches d’Ali Bongo ont été inquiétés :
« À part Sylvia Bongo et son fils Noureddin, aucun autre haut responsable de l’ancien régime n’a été poursuivi. Pourtant, ce sont ces mêmes personnes qui accompagnent aujourd’hui la transition. On est donc face à une impunité institutionnalisée. »
Les Vrais Chantiers à Prioriser
Selon Mme Jocktane, les 18 mois écoulés auraient dû se concentrer sur des priorités urgentes :
1. L’éducation
« Le Gabon a l’un des taux de redoublement les plus élevés d’Afrique. Nos écoles manquent de ressources et nous n’avons même pas de bibliothèques adaptées. »
2. La santé
« Nos hôpitaux ont été modernisés, mais ils manquent de médicaments et d’équipements de base. Les patients doivent acheter leurs seringues et compresses eux-mêmes. »
3. Le logement et le pouvoir d’achat
« Le président avait promis 5 000 logements, mais rien n’a été construit. Le coût de la vie reste insoutenable. »
Enfin, elle regrette que les promesses de la transition aient été dispersées sans véritable plan cohérent :
« Sur 135 promesses, seulement 26 ont été réalisées. Il aurait fallu se concentrer sur l’essentiel au lieu de multiplier les chantiers coûteux et inefficaces. »
Un Avenir Incertain Avant l’Élection Présidentielle
Alors que le Gabon se dirige vers une élection présidentielle, Mme Jocktane s’interroge sur la capacité du pays à sortir réellement de l’ère Bongo :
« Après plus de 40 ans sous le régime Bongo, peut-on réellement espérer une transformation en moins de deux ans ? »
Elle conclut en affirmant que la transition aurait pu être une opportunité historique, mais qu’elle semble aujourd’hui égarée dans des choix politiques discutables.
« Nous voulons un État de droit. Un pays où la transparence et la justice sont réelles. Pour l’instant, la transition n’a pas encore démontré qu’elle est prête à construire un Gabon nouveau. »
Conclusion : Le Gabon à la Croisée des Chemins
L’entretien avec Mme Jocktane met en évidence un bilan mitigé, marqué par :
Des intentions louables, mais sans résultats concrets.
Une reproduction des erreurs du passé, avec les mêmes figures aux commandes.
Un manque de transparence dans la gestion des finances et des réformes.
L’absence de réponses concrètes aux attentes des Gabonais.
Le Gabon est aujourd’hui à la croisée des chemins. Reste à savoir si la transition saura redresser la barre avant l’échéance électorale.
Une chose est sûre : les Gabonais attendent encore des actes concrets pour améliorer leur quotidien.
JACQUES ROGER
