Les Universités Ivoiriennes : Un Classement Modeste qui interpelle Face à la Concurrence Régionale et Continentale
Un constat alarmant soulevé par Tidjane Thiam

Lors d’une rencontre avec la diaspora ivoirienne à Paris, le président du PDCI-RDA, Tidjane Thiam, a dressé un bilan sévère de l’état de l’enseignement supérieur en Côte d’Ivoire. Il a notamment déclaré :
“Les enseignants sénégalais sont mieux payés que les enseignants ivoiriens. Résultat : il n’y a aucune université ivoirienne parmi les 30 meilleures en Afrique de l’Ouest. Mais il y a des universités sénégalaises.”
Cette affirmation du leader du PDCI-RDA met en lumière le retard préoccupant des universités ivoiriennes dans les classements académiques internationaux, un retard qui ne fait que s’accentuer face à la montée en puissance d’institutions voisines comme celles du Ghana, du Nigeria et du Sénégal.
Une Absence Frappante dans les Classements d’Excellence
Trois classements internationaux récents – Webometrics 2025, QS World University Rankings et Times Higher Education (THE) – confirment la position marginale des universités ivoiriennes sur la scène continentale.
1. Webometrics 2025 : Aucune Université Ivoirienne dans le Top 20 Africain
Le classement Webometrics, qui évalue la visibilité et l’impact des universités, ne place aucune institution ivoirienne parmi les 20 meilleures d’Afrique. Pendant ce temps, les universités du Ghana et du Nigeria dominent la région :
• University of Ghana (10ᵉ en Afrique, 986ᵉ mondiale)
• Kwame Nkrumah University of Science & Technology (Ghana) (16ᵉ en Afrique, 1 181ᵉ mondiale)
• University of Ibadan (Nigeria) (19ᵉ en Afrique, 1 212ᵉ mondiale)
A contrario, aucune université ivoirienne ne figure dans ce classement.

2. QS World University Rankings 2025 : Une Côte d’Ivoire Invisible
Le QS World University Rankings 2025, qui évalue la réputation académique, la recherche et l’impact international, n’inclut aucune université ivoirienne parmi les 40 meilleures d’Afrique. Les institutions sud-africaines et égyptiennes y sont omniprésentes, tandis que le Ghana et le Nigeria restent les seuls représentants de l’Afrique de l’Ouest.
3. Times Higher Education (THE) : Un Classement Marginal pour la Côte d’Ivoire
Le classement Times Higher Education (THE) pour l’Afrique subsaharienne 2024 mentionne quatre établissements ivoiriens, mais tous figurent à des rangs modestes :

• Institut Universitaire d’Abidjan : Classé dans la tranche 81-100
• École Supérieure de Gestion : Classée au-delà de la 100ᵉ place
• Université Internationale de Grand-Bassam : Au-delà de la 100ᵉ place
• Université Polytechnique de San Pedro : Au-delà de la 100ᵉ place
Aucune université publique ivoirienne traditionnelle, y compris l’Université Félix Houphouët-Boigny, ne parvient à figurer en bonne position dans ces classements.
Pourquoi un Classement Aussi Faible ?
Les raisons de cette contre-performance sont nombreuses :
1. Un Manque de Financement et de Recherche
Contrairement aux universités sud-africaines, ghanéennes et nigérianes, les universités ivoiriennes souffrent d’un sous-financement chronique. Les investissements dans la recherche et l’innovation restent insuffisants, limitant l’impact académique du pays à l’international.
2. Une Gouvernance Universitaire Défaillante
Les grèves récurrentes et la mauvaise gestion des ressources nuisent à la stabilité du système universitaire. En Côte d’Ivoire, les années académiques sont souvent perturbées, affectant la régularité et la qualité de l’enseignement.
3. Des Enseignants Sous-Payés et Démotivés
La déclaration de Tidjane Thiam sur les salaires des enseignants n’est pas anodine. Les enseignants ivoiriens sont payés moins que leurs homologues sénégalais, ce qui impacte directement leur motivation et leur engagement. À titre de comparaison :
• Au Sénégal, un professeur d’enseignement secondaire gagne en moyenne entre 338 054 et 612 630 F CFA par mois.
• En Côte d’Ivoire, un enseignant de grade A4 perçoit entre 346 351 et 593 978 F CFA après 24 ans de service.
4. Des Infrastructures Universitaires Dépassées
Les universités publiques ivoiriennes manquent de laboratoires modernes, de bibliothèques adaptées et d’équipements numériques performants. À l’ère du numérique, cette carence constitue un handicap majeur face à des pays qui investissent massivement dans l’innovation.
Que Faut-il Faire Pour Redresser la Situation ?
Si la Côte d’Ivoire veut améliorer son système universitaire et rivaliser avec ses voisins, plusieurs réformes majeures doivent être mises en place :
1. Accroître les investissements dans l’éducation supérieure et la recherche.
2. Revaloriser les salaires et les conditions de travail des enseignants.
3. Réformer la gouvernance universitaire pour limiter les grèves et renforcer l’autonomie des institutions.
4. Développer des partenariats internationaux pour attirer des professeurs étrangers et stimuler l’échange académique.
5. Moderniser les infrastructures pour offrir aux étudiants des conditions d’apprentissage optimales.
Conclusion : L’Enseignement Supérieur Ivoirien en Urgence de Réforme
La déclaration de Tidjane Thiam à Paris met en lumière une réalité préoccupante : les universités ivoiriennes peinent à s’imposer dans les classements internationaux, alors que des pays voisins progressent de manière fulgurante. Loin d’être une fatalité, cette situation appelle à une refonte profonde du système universitaire ivoirien, afin que la Côte d’Ivoire retrouve son rôle de leader intellectuel et académique en Afrique de l’Ouest.
JACQUES ROGER