Réponse à Venance Konan – Sur la nationalité de Tidjane Thiam et le précédent Alassane Ouattara
Réponse à Venance Konan – Sur la nationalité de Tidjane Thiam et le précédent Alassane Ouattara


Cher Venance Konan,
Votre analyse sur la question de la nationalité de Tidjane Thiam soulève des interrogations légitimes, mais elle gagnerait à être plus nuancée pour éviter de donner l’impression d’un texte uniquement à charge.
Tout d’abord, vous soulignez à juste titre que le débat autour de sa double nationalité a été mal géré en communication par certains cadres du PDCI. Cependant, réduire cette situation à un manque de transparence ou à une improvisation totale ne reflète pas pleinement la complexité du dossier. La nationalité ivoirienne est un sujet sensible, marqué par des héritages coloniaux et des lois dont l’application a toujours été fluctuante. La loi de 1961 sur la nationalité et son article 48 sur la perte automatique de la nationalité ivoirienne en cas d’acquisition d’une autre nationalité sont, certes, en vigueur, mais dans les faits rarement appliqués avec rigueur.
Ensuite, affirmer que Tidjane Thiam a « bondi » sur l’opportunité d’une candidature après la perte d’un emploi semble caricatural. Son retour en Côte d’Ivoire et son implication dans le PDCI ne datent pas d’hier, et sa candidature résulte autant d’une dynamique interne au parti que d’une ambition personnelle. Il a été sollicité par des cadres et des militants qui voyaient en lui un profil capable de porter un projet alternatif, et ce bien avant la vacance du pouvoir au sein du PDCI.
Concernant la question de la double naturalisation, vous soulignez avec pertinence les ambiguïtés de son parcours administratif. Mais l’essentiel reste de savoir si, au moment de sa candidature, il a respecté les exigences légales. Sa démarche actuelle de renonciation à la nationalité française montre une volonté de se conformer aux règles. Peut-être tardive, mais bel et bien engagée.
Cependant, il serait intéressant d’élargir ce débat en rappelant qu’un cas similaire avait déjà animé la scène politique ivoirienne : celui d’Alassane Ouattara. Pendant des années, la question de sa nationalité burkinabè supposée a été au cœur des débats, au point de justifier son exclusion des élections de 1995 et 2000. Pourtant, lorsqu’il est devenu candidat en 2010, cette question a soudainement cessé d’être un obstacle, après une décision politique qui l’a « blanchi » définitivement. Pourquoi alors appliquer un deux poids, deux mesures dans l’interprétation de la loi ?
Si la question de la nationalité doit être un critère absolu, alors il faut l’appliquer de manière stricte et cohérente pour tous. Dans le cas contraire, si l’on décide d’être plus souple, cette souplesse ne doit pas être sélective, en fonction des intérêts du moment.
Enfin, affirmer que Tidjane Thiam a « abandonné son pays pendant 23 ans » est une vision discutable. Faut-il rappeler que plusieurs dirigeants ivoiriens ont, à un moment donné, mené des carrières internationales avant de revenir sur la scène nationale ? Alassane Ouattara lui-même a été éloigné du pays pendant plusieurs années avant d’en prendre les rênes. Ce n’est pas tant l’éloignement qui pose problème, mais l’attachement et la vision que l’on porte pour la nation.
Dans le cas de Tidjane Thiam, il faut rappeler qu’il n’a pas quitté la Côte d’Ivoire de son propre gré, mais qu’il en a été chassé par un coup d’État après avoir occupé de hautes fonctions dans l’appareil d’État. En tant que BNE-DT puis ministre du Plan et du Développement, il a joué un rôle clé dans la modernisation du pays et dans des réformes structurantes. Son éloignement a donc été contraint, et malgré cela, il a toujours contribué à soutenir son pays à travers son expertise et son réseau international.
En somme, la question de la nationalité de Tidjane Thiam est un sujet de débat légitime, mais elle mérite d’être abordée avec plus de mesure et de recul. Si l’on doit exiger de la rigueur de sa part, il faut aussi éviter de tomber dans un procès en illégitimité qui pourrait être perçu comme une attaque politique plutôt qu’un véritable questionnement juridique et institutionnel.
Bien à vous,
JACQUES ROGER

Thiam et ses natiionalités
Je crois que le véritable problème de M. Tidjane Thiam est son entourage qui parle un peu trop. Soit parce qu’il ne sait pas tout de M. Thiam, parce que ce dernier ne lui a pas tout dit, soit parce qu’il veut trop en faire et finit par faire n’importe quoi. Pendant longtemps, d’éminents membres de la direction du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) assuraient devant les caméras de télévision que le président de leur parti remplissait parfaitement toutes les conditions pour être candidat à l’élection présidentielle. Tout le monde, y compris eux, savait pourtant que M. Thiam avait aussi la nationalité française (ce qu’il n’avait jamais nié ou caché), et que notre loi fondamentale exigeait des candidats à la magistrature suprême qu’ils n’aient que la seule nationalité ivoirienne. Leur aplomb pouvait laisser supposer que leur champion avait déjà renoncé à la nationalité française. Et pourtant non. Il a fallu qu’Arthur Banga déclare le 2 février sur un plateau de télévision que le président du PDCI n’avait pas encore renoncé à la nationalité française pour que ce dernier annonce lui-même précipitamment quelques jours plus tard qu’il venait d’entamer la procédure. Sur quoi se fondaient donc tous ceux qui affirmaient la main sur le cœur que M. Thiam remplissait bien toutes les conditions pour être candidat ? Je viens de lire dans Jeune Afrique ces propos de Maître Mathias Chichportich, avocat de M. Thiam : « son père, Amadou Thiam, n’a obtenu la nationalité ivoirienne que quelques mois après sa naissance, le 6 novembre 1962, par décision personnelle du président Houphouët-Boigny…C’est en 1987 que le gouvernement français lui attribue la nationalité française, sans qu’il n’en soit à l’initiative ». J’avais déjà lu quelque part que le père avait la nationalité française, comme tous ceux qui étaient nés sous la colonisation française, avant les indépendances. Cela signifierait que Tidjane Thiam est né français. Et il faut lire entre les lignes que le père Thiam n’avait pas demandé la nationalité ivoirienne. Elle lui a été donnée à la suite d’une « décision personnelle d’Houphouët-Boigny. » Apparemment ni Tidjane, ni les Français n’ont su qu’il était Français, puisque le gouvernement français lui a attribué à nouveau la nationalité française en 1987, lorsqu’il avait 25 ans. Si M. Tidjane Thiam avait su qu’il était déjà français, je suppose qu’il l’aurait dit aux autorités françaises qui lui attribuaient si généreusement leur nationalité qu’il n’avait pas demandée. Et puis, M. Tidjane Thiam s’est toujours revendiqué Ivoirien, nationalité que lui conférait sa mère. J’avais déjà lu sous la plume de l’un de ses frères qui se répand beaucoup sur les réseaux sociaux que c’est à l’initiative de leur père que Tidjane, qui était exclusivement Ivoirien, est devenu français, pour ne pas être discriminé en France après ses brillantes études. Je crois savoir que ceux qui sont nés français du fait de la colonisation, notamment ceux qui sont nés avant les indépendances et leurs descendants, qui n’ont pas réclamé la nationalité française, ont fini par la perdre au bout d’un certain temps. Ce qui expliquerait que M. Tidjane Thiam ait intégré la nationalité française par naturalisation.
Alors, peut-on avoir deux fois la nationalité du même pays ? Si M.Thiam, né Français, mais l’ignorant, a été naturalisé français à sa majorité (peu importe que cela se soit fait à sa demande ou pas) qu’est ce qui prime ? Je crois que s’il était né Français, lui, aurait pu peut-être l’ignorer, mais certainement pas son père. Mais peu importe. Les Français ne l’ont reconnu comme leur national qu’à partir de sa naturalisation en 1987.
Maître Chichportich dit que l’article de la loi qui stipule qu’un Ivoirien majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère perd automatiquement la nationalité ivoirienne est « inappliquée et inapplicable. » Pourquoi ? Qui a dit qu’une loi non appliquée est automatiquement inapplicable ? Est-ce parce qu’on a toléré pendant longtemps un certain laxisme qu’on n’a plus le droit de revenir à plus de rigueur ? Peut-être qu’auparavant de nombreuses personnes ne connaissaient pas cette loi, même si l’on dit que nul n’est censé ignorer la loi. Maintenant tout le monde la connaît. Désormais, chacun réfléchira par deux fois avant d’aller se faire naturaliser ou d’accepter une nationalité qu’on vous a donnée sans que vous n’en fassiez la demande, comme le dit notre avocat français à propos de son client. Lorsque l’on décide d’aller faire allégeance à un autre pays pour ses intérêts personnels, il faut l’assumer jusqu’au bout. Et puis, lorsque l’on aspire à diriger son pays, on ne l’abandonne pas pendant 23 ans, et lorsque l’on revient et que l’on nourrit une telle ambition, on se renseigne au moins sur les conditions d’éligibilité et l’on s’y conforme le plus vite possible. Apparemment la décision de briguer la magistrature suprême de notre pays a été une décision d’opportunité : on perd son emploi d’un côté, et un poste se libère de l’autre côté. Alors on bondit dessus, on bouscule tout et…Eh bien le tour n’est pas encore joué !
Venance Konan