LES GRANDS DOSSIERS – CAS OUATTARA : DÉCLARATION DU PRÉSIDENT DE LA COUR SUPRÊME DE CÔTE D’IVOIRE, M. TIA KONÉ, EN 2000
DÉCLARATION DU PRÉSIDENT DE LA COUR SUPRÊME DE CÔTE D’IVOIRE, M. TIA KONÉ, EN 2000
Considérant que les résultats des investigations menées par la juridiction constitutionnelle permettent d’établir que M. Alassane Ouattara n’a eu de cesse de se réclamer de la nationalité voltaïque (devenue burkinabé) avant et après son apparition en Côte d’Ivoire en 1982 ;
Considérant que le dossier révèle qu’Alassane Ouattara, né le 1er janvier 1942 à Dimbokro, s’est rendu aux États-Unis et s’est fait enregistrer dans les documents de voyage comme étant de nationalité voltaïque ;
Considérant que, une fois à destination, il s’est inscrit à l’Université de Pennsylvanie, puis à Drexel University, en tant qu’étudiant de nationalité voltaïque ;
Considérant que, lors de son mariage avec Mme Barbara June Davis, célébré le 10 janvier 1966 à Philadelphie, il s’est déclaré de nationalité voltaïque, tout comme sur sa carte de sécurité sociale n° …-..-92-95, délivrée en 1962, où il a mentionné la même nationalité ;
Considérant qu’après ses études en Pennsylvanie, il est resté répertorié dans les documents de référence des étudiants étrangers ayant étudié aux États-Unis comme étant d’origine voltaïque ;
Considérant qu’il est établi que, le 1er décembre 1982, il a été nommé vice-gouverneur de la BCEAO sur proposition des autorités voltaïques, en remplacement de leur ressortissant Charles Bila Kaboré, admis à faire valoir ses droits à la retraite, et qu’il a été décoré peu après, le 27 décembre 1982, en cette qualité par le ministre Abdoulaye Koné à Abidjan ;
Considérant que c’est également en tant que ressortissant voltaïque qu’Alassane Ouattara a été nommé, de 1968 à 1973, au Fonds Monétaire International (FMI), en remplacement de M. Justin Benzoulou de Zambie ;
Considérant que, dans ses relations et transactions d’intérêts privés, il s’est toujours présenté comme ayant la nationalité voltaïque, puisqu’il ressort des investigations qu’il a ouvert et détenu les comptes bancaires n° 30 ……….et 3…..M en indiquant sa nationalité voltaïque, et qu’il était détenteur d’un passeport diplomatique voltaïque n° 457, délivré le 23 décembre 1978 ;
Considérant que, lors de l’achat des immeubles Signal, Ecodio et Boukhoré, il s’est désigné dans les actes notariés établis par Maître Kouakou Conan Daniel en dates du 11 avril 1980 et du 20 août 1984 comme étant de nationalité burkinabé, en conformité avec la nouvelle appellation de l’ex-Haute-Volta ;
Considérant qu’il a toutefois obtenu des cartes d’identité ivoiriennes datées du 19 avril 1982 et du 22 octobre 1990 ;
Considérant qu’il est difficile d’admettre qu’un Ivoirien d’origine, né de parents eux-mêmes Ivoiriens d’origine, ait spontanément et systématiquement présenté des pièces d’identité non ivoiriennes pour accomplir des actes juridiques en Côte d’Ivoire ;
Considérant que le fait que l’intéressé se soit à maintes reprises revendiqué d’une autre nationalité est constant, et que ses allégations selon lesquelles les documents incriminés ne seraient que des photocopies comportant des imitations de sa signature ne sauraient prospérer, dès lors qu’il ressort de nos investigations que les originaux des actes, dont certains font foi jusqu’à inscription de faux, existent bien sur le territoire national et peuvent être consultés à tout moment ;
Considérant qu’à plusieurs reprises, Alassane Ouattara a reconnu avoir occupé des fonctions officielles en tant que ressortissant burkinabé, notamment lorsqu’il a affirmé, lors de son investiture en tant que président du Rassemblement des Républicains (RDR) en août 1999, être fier d’avoir été vice-gouverneur de la BCEAO pour le compte du Burkina Faso et d’avoir travaillé au FMI entre 1968 et 1973 en tant que Burkinabé ;
Considérant que, dans ces conditions, Alassane Ouattara ne peut soutenir qu’il ne s’est jamais prévalu d’une autre nationalité que la nationalité ivoirienne, et que, de ce fait, sa déclaration sur l’honneur jointe à son dossier ne peut être recevable ;
De la déclaration sur l’honneur de la bonne moralité et de la grande probité
Considérant que la volonté du législateur est de garantir que seules des personnes moralement irréprochables puissent être candidates à l’élection présidentielle ;
Considérant qu’un candidat qui affirme n’avoir jamais revendiqué une autre nationalité, alors qu’il l’a fait à maintes reprises, y compris dans des actes publics authentiques, ne peut être considéré comme étant d’une bonne moralité et d’une grande probité ;
Considérant que le certificat de nationalité du père de M. Ouattara, produit en date du 16 août 2000, présente des incohérences, notamment en faisant apparaître son père comme résident à Abidjan alors qu’il est décédé et enterré à Sindou, au Burkina Faso ;
Considérant qu’il est établi que l’intéressé a obtenu un certificat d’individualité irrégulier, non signé du juge, attestant d’une prétendue concordance d’identité entre sa mère et Mme Sita Nabintou Cissé ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le candidat Alassane Ouattara ne remplit pas toutes les exigences légales pour être candidat à l’élection présidentielle de 2000, et qu’en conséquence, il importe de ne pas faire figurer son nom sur la liste définitive des candidats à cette élection.
Fait à Abidjan, en 2000
M. Tia Koné, Président de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire