GUINÉE: Kassory Fofana : Victime d’une justice instrumentalisée et d’un Doumbouya de plus en plus autoritaire
Mamadi Doumbouya : De l’humanisme espéré à l’autoritarisme affiché
Il y a encore quelques mois, nombreux étaient ceux qui louaient les promesses de justice et de réformes portées par le colonel devenu général, Mamadi Doumbouya, à la tête de la Guinée depuis le renversement d’Alpha Condé en septembre 2021. Mais au fil des mois, l’enthousiasme a laissé place à une inquiétude croissante face à des dérives autoritaires évidentes. L’acharnement contre l’ancien Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana en est l’illustration parfaite.


La justice guinéenne, un instrument du pouvoir ?
Arrêté en mai 2022 pour des accusations de détournement de fonds publics, d’enrichissement illicite et de corruption, Kassory Fofana est devenu le symbole d’une justice utilisée à des fins politiques.
Selon un article de la “Lettre du Continent“ du 9 Janvier 2025, l’autorisation qui lui avait été accordée pour aller se soigner à l’étranger, en raison de la dégradation de son état de santé, a été brutalement retirée, sous pression directe du président Doumbouya et de son fidèle procureur Aly Touré, surnommé ironiquement “Clouseau” pour son manque de finesse.
Le 30 décembre 2024, une réunion secrète au palais Mohammed-V a réuni le chef de l’État et les hauts responsables judiciaires. La consigne était claire : accélérer la procédure contre Fofana, au mépris des considérations humanitaires ou des droits de la défense. Cette ingérence flagrante confirme que la justice en Guinée est devenue une arme pour régler les comptes politiques, au détriment des principes fondamentaux d’impartialité et d’équité.
Un procès sous pression et une santé en jeu
Alors que l’ancien Premier ministre devait être évacué en France pour des soins, son dossier a été subitement repris par un nouveau juge, nommé en pleine nuit. Cette manœuvre suspecte montre que le président guinéen ne tolère aucune concession, même face à une urgence médicale. Une question s’impose : que cherche réellement Mamadi Doumbouya ? Si Kassory Fofana venait à succomber à ses problèmes de santé en détention, la responsabilité en incombera directement à l’exécutif guinéen.



Un pouvoir de plus en plus isolé
L’attitude de Doumbouya trahit une dérive dictatoriale classique. Sous couvert de réformes politiques et économiques, il consolide son pouvoir en éliminant systématiquement toute voix dissidente. L’objectif semble clair : neutraliser les figures influentes de l’ère Condé pour s’assurer un contrôle total sur l’appareil politique et judiciaire avant les échéances de 2025.
Mais à quel prix ? La crédibilité du président guinéen sur la scène internationale est en chute libre. Ce comportement nuit également à l’image de la Guinée, alors que le pays aurait tout à gagner d’un processus judiciaire transparent et respectueux des droits humains.
Doumbouya, une nouvelle déception africaine ?

Alors que beaucoup espéraient un dirigeant humaniste et réformateur, Mamadi Doumbouya montre des signes inquiétants de dérive autoritaire. L’histoire récente de l’Afrique regorge de leaders ayant promis le changement, pour finalement sombrer dans les pratiques qu’ils dénonçaient.
Si Doumbouya persiste dans cette voie, il risque non seulement de perdre le soutien de son peuple, mais aussi de ternir durablement son héritage. La justice guinéenne, censée être indépendante, doit reprendre son rôle impartial. Et le président doit se rappeler qu’il est là pour servir son peuple, non pour régler ses comptes personnels.
Il est encore temps de redresser la barre, mais le temps presse. Le cas Kassory Fofana n’est pas seulement un procès individuel, c’est le symbole de l’avenir démocratique de la Guinée.
JACQUES ROGER
