TCHAD: Discours du Ministre Abderraman Koualamallah : La Diplomatie Tchadienne au Service des Citoyens et du Développement
Discours de Monsieur Abderraman Koualamallah, Ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration Africaine, des Tchadiens de l’Étranger et de la Coopération Internationale, Porte-parole du Gouvernement, à l’Assemblée Nationale le 20 novembre 2024
Mesdames et Messieurs les Conseillers Nationaux,
Permettez-moi d’ouvrir cette intervention en rendant un hommage appuyé à nos vaillants soldats, qui ont consenti le sacrifice ultime pour défendre la patrie face à l’attaque de Boko Haram. Leur courage et leur dévouement resteront à jamais gravés dans la mémoire de notre nation.
Monsieur le Président, je tiens à exprimer ma profonde gratitude à votre égard. Votre longue carrière au service du pays est éloquente, et je suis convaincu que l’histoire retiendra votre clairvoyance et votre engagement indéfectible. Alors que vous ne vous représenterez pas à l’Assemblée nationale, je voudrais saluer votre contribution remarquable. Vous laisserez un vide immense sur l’échiquier politique national.
Je rends également hommage à tous les conseillers nationaux pour leur travail inlassable au cours de cette transition, qui nous a conduits jusqu’à l’élection présidentielle. Ce parcours n’a pas été sans défis, et votre engagement a été déterminant. À ceux qui se représenteront devant le peuple souverain, je souhaite bonne chance, espérant retrouver plusieurs d’entre vous dans cet hémicycle.
En réponse à l’interpellation de Monsieur Ousmadi, concernant la gestion des flux migratoires tchadiens, permettez-moi d’apporter quelques précisions. Contrairement à une époque récente, nous constatons une intensification des migrations des Tchadiens, souvent en quête d’éducation ou d’emploi à l’étranger. Ces flux posent des défis, notamment en raison de l’absence de données fiables sur nos compatriotes établis à l’extérieur, car beaucoup ne s’enregistrent ni auprès des consulats ni des ambassades.
Nous avons initié des efforts pour y remédier, notamment à travers l’utilisation des nouvelles technologies et des campagnes de sensibilisation menées par la ministre déléguée en charge des Tchadiens de l’étranger. Par ailleurs, nous avons inscrit dans le budget général de l’État l’organisation d’un grand forum sur la diaspora tchadienne, reconnaissant son rôle potentiel dans le développement économique national.
Toutefois, des problèmes subsistent, particulièrement dans des pays comme le Cameroun et le Sénégal, où les Tchadiens sont confrontés à diverses difficultés, y compris des exactions de forces de l’ordre ou des arrestations liées à des délits. Dans ces situations, nos ambassades interviennent activement pour garantir le respect des droits de nos compatriotes, conformément à l’article 66 de la Convention de Vienne.
Récemment, des avocats ont été mobilisés pour assurer la défense de Tchadiens impliqués dans des affaires pénales. Nous avons également signé des accords judiciaires avec certains pays, notamment le Cameroun, pour permettre à nos citoyens condamnés de purger leurs peines sur le territoire national.
En ce qui concerne les cas d’assassinats, des efforts diplomatiques importants ont été déployés pour éclaircir ces situations. Par exemple, la mort récente d’une jeune médecin au Sénégal fait l’objet d’une enquête approfondie. Nous suivons ces dossiers avec rigueur et continuerons à œuvrer pour la justice et la vérité.
Enfin, concernant l’efficacité de notre diplomatie, je tiens à souligner les efforts constants du gouvernement, sous l’impulsion du Président de la République, pour accroître le rayonnement du Tchad sur la scène internationale. Nos actions visent à renforcer notre présence dans les organismes multilatéraux et à promouvoir des candidatures tchadiennes à des postes de haut niveau. Nous continuerons à œuvrer pour une diplomatie dynamique et proactive.
Je vous remercie pour votre attention et reste à votre disposition pour toute question supplémentaire.
Il est nécessaire de comprendre que la diplomatie citoyenne est également liée au contexte que nous avons connu ces trois dernières années. Nous traversions une transition qui n’était pas facile, même si elle a été calme, ce n’était pas facile. Il aurait fallu résoudre les problèmes politico-militaires, et je sais de quoi je parle. J’étais ministre de la Réconciliation nationale. Il aurait fallu organiser un dialogue national inclusif, et beaucoup de ressources financières ont été injectées pour organiser l’élection présidentielle et tout ce processus politique. Nous avons priorisé, au niveau du gouvernement, sous la direction de Son Excellence Monsieur le Président de la République, le retour à l’ordre constitutionnel, qui était l’un des éléments les plus importants de notre politique pendant ces trois années.
J’ai la chance et le privilège d’être resté au gouvernement pendant toutes ces années, depuis le début de la transition, et je peux témoigner des efforts fournis par notre gouvernement pour que nous ayons un pays stable, un pays serein, où les citoyens peuvent librement ouvrir leurs fenêtres à la liberté. À cet égard, en ce moment, notre pays se dirige vers le développement. Le budget qui vous sera présenté dans quelques jours est un budget essentiellement axé sur le développement du pays.
Actuellement, nous prenons notre bâton de pèlerin pour que notre diplomatie brille, afin que le monde extérieur sache que la transition tchadienne est l’une des transitions politiques les plus réussies de l’histoire des transitions dans le monde. Nous avons respecté nos engagements, nous avons accepté l’expression libre du suffrage universel, et les dernières élections ainsi que les prochaines se dérouleront dans un climat de paix et de transparence totale. Et nous devons cela à notre Président, qui a su, pendant ces trois années, garantir que tous les Tchadiens, quelle que soit leur obédience politique, leur obédience religieuse ou leur origine, puissent participer à l’effort national pour construire notre pays, pour mettre un terme définitif à la guerre et aux armes, qui n’ont jamais résolu un problème dans un pays.
Maintenant, Monsieur le Conseiller, vous avez demandé quelles actions nous menons pour protéger les Tchadiens. Je peux vous dire, ayant moi-même été un exilé politique pendant des années, que vivre hors de son pays et ne pas être reconnu par son pays est quelque chose de profondément traumatisant. En 1989, alors que j’étais en exil, un journaliste m’a demandé pourquoi je soutenais un pouvoir despotique ou autoritaire. Je lui ai répondu : parce que l’oppression de l’exil est devenue plus forte que celle d’un gouvernement. Ceux qui n’ont pas connu l’exil ne peuvent comprendre cette oppression. Tous ceux ici présents, qui ont été en exil ou éloignés de leur pays pour des raisons professionnelles, savent, surtout quand ils aiment leur pays, les sacrifices que cela représente.
C’est pourquoi, Monsieur le Conseiller, nous essayons d’être aussi proches que possible de nos compatriotes à l’étranger. La preuve en est que, dans notre Constitution, il est clairement stipulé qu’il y a des sièges dans les instances nationales pour les Tchadiens vivant à l’étranger. Notre politique principale est d’assurer que la diaspora tchadienne puisse participer au développement de son pays. Comment cela se fera-t-il ? Cela a été initié par l’ancien Premier ministre, Saleh Kebzabo, pour garantir que ceux qui reviennent au pays puissent avoir des conditions de vie similaires à celles qu’ils connaissent à l’étranger.
C’est une politique approuvée par le chef de l’État pour s’assurer que la contribution de la diaspora à notre économie soit reconnue et valorisée. Nous organiserons, en avril ou mai, nous n’avons pas encore fixé de date, une grande conférence sur la diaspora pour recueillir ses propositions essentielles au développement du pays et voir comment elle peut y participer. À chaque déplacement, je prends soin de rencontrer les communautés tchadiennes à l’étranger. Par exemple, lors de mon récent déplacement au Ghana, j’ai trouvé un nombre impressionnant de Tchadiens et j’ai décidé d’ouvrir un consulat honoraire pour résoudre leurs problèmes.
L’un des problèmes majeurs reste la délivrance des passeports et des pièces d’identité. Le ministère de la Sécurité fait un effort considérable en envoyant des délégations, mais ce problème doit être résolu, car beaucoup de Tchadiens sont aujourd’hui sans documents de voyage. Ces documents, même en cas de double nationalité, sont essentiels pour leur ancrage dans la communauté nationale. Nous menons actuellement des études sur cette question.
Par ailleurs, nous travaillons avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour faciliter le retour volontaire des Tchadiens en détresse, notamment en Libye. Depuis ma prise de fonction, environ 600 Tchadiens ont été rapatriés. Cependant, beaucoup refusent de revenir, et nous respectons leur choix constitutionnel.
Enfin, je tiens à rappeler que nous avons également signé des accords spécifiques avec des pays comme la Libye pour améliorer les conditions des Tchadiens à l’étranger. Lors de mon récent passage en Arabie Saoudite, j’ai constaté une communauté tchadienne importante, estimée à plus de 100 000 personnes à Djeddah, où nous avons une école tchadienne de qualité, reconnue et prisée par d’autres pays africains.
Tous les Africains s’inscrivent dans notre école, et c’est une école qui génère beaucoup de ressources. Nous sommes en train de la restructurer, puisque l’éducation nationale n’est pas impliquée dans cette école, et nous sommes en train de la restructurer. Et il est important qu’à nos ambassades à Djeddah, en Turquie, en Égypte, au Sénégal, au Cameroun, nous ayons des diplomates qui soient essentiellement dédiés à la tâche des migrants dans le pays. Voilà essentiellement ce que je voulais vous dire à ce sujet.
Mais je peux vous dire que toute l’équipe du ministère des Affaires étrangères est profondément déçue par ces cas d’assassinats de Tchadiens. Mais nous ne pouvons rien faire d’autre que suivre les processus mis en place par les pays hôtes. Peut-être que nous ne faisons pas assez, mais nous nous assurerons que, durant le temps où nous serons à la tête de ces ministères, aucun Tchadien ne souffre à l’extérieur du pays.
Voilà, Monsieur le Conseiller, pour votre interprétation pertinente, qui nous a fait très plaisir, parce qu’elle nous permet d’écarter toutes les déclarations faites sur les réseaux sociaux, qui sont parfois très éloignées de la réalité.
Je vous remercie.
UNE ANALYSE
Les Enjeux d’un Discours Visionnaire
Introduction
Le 20 novembre 2024, le Ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration Africaine, des Tchadiens de l’Étranger et de la Coopération Internationale, Monsieur Abderraman Koualamallah, a prononcé un discours à l’Assemblée nationale. Dans une intervention dense et stratégique, il a abordé les efforts du gouvernement pour protéger les Tchadiens à l’étranger, consolider la transition politique et dynamiser la diplomatie nationale. Voici les principales analyses tirées de ce discours.
1. Un hommage appuyé à ceux qui servent la nation
Le Ministre a débuté son discours en rendant hommage aux soldats tchadiens ayant donné leur vie pour la défense de la patrie face à Boko Haram. Il a également salué la contribution des Conseillers Nationaux et du Président de l’Assemblée pour leur rôle crucial dans la stabilisation du pays. Ces hommages mettent en lumière l’esprit de reconnaissance et d’unité nationale qui guide les actions du gouvernement.
2. Une transition politique exemplaire
Le Tchad, après trois années de transition marquées par des défis politiques et économiques, est cité comme un modèle de réussite. Le retour à l’ordre constitutionnel et l’organisation d’élections transparentes sont les pierres angulaires de cette réussite. Le Ministre a souligné que ces efforts reflètent la vision du Président de la République, garantissant la participation inclusive de tous les Tchadiens à la reconstruction nationale.
3. Gestion des migrations et défis des Tchadiens de l’étranger
Les migrations des Tchadiens se sont intensifiées ces dernières années, posant des défis structurels. L’absence de données fiables sur la diaspora complique la planification et la gestion de leurs besoins. En réponse, le gouvernement a lancé des initiatives comme l’utilisation des nouvelles technologies pour recenser la diaspora et l’organisation d’un grand forum en 2025. Cette stratégie vise à mieux intégrer la diaspora dans le développement du pays.
4. Protection des droits des Tchadiens à l’étranger
Le Ministre a insisté sur l’engagement du gouvernement à défendre les droits de ses citoyens en difficulté, notamment ceux confrontés à des arrestations ou à des exactions. Grâce à des accords judiciaires signés avec des pays comme le Cameroun, et à l’assistance consulaire renforcée, le gouvernement s’efforce de protéger ses ressortissants. Toutefois, le discours reconnaît les limites imposées par les systèmes judiciaires étrangers.
5. Un rayonnement diplomatique renforcé
La diplomatie tchadienne se concentre sur l’intégration du pays dans les organismes multilatéraux et sur la promotion de candidatures à des postes stratégiques internationaux. Le Ministre a souligné que ces efforts visent à donner au Tchad une voix forte sur la scène internationale, renforçant son influence et sa crédibilité.
6. La diaspora, un moteur de développement
La diaspora tchadienne est perçue comme un partenaire clé pour le développement national. En témoigne l’ouverture récente d’un consulat honoraire au Ghana, destiné à répondre aux besoins des ressortissants tchadiens. Le Ministre a également évoqué la restructuration d’une école tchadienne à Djeddah, qui génère des ressources importantes et bénéficie d’une reconnaissance régionale. Ces initiatives illustrent une volonté de valoriser les contributions économiques et sociales de la diaspora.
7. Lutte contre les perceptions erronées
Le Ministre a conclu en dénonçant les informations trompeuses circulant sur les réseaux sociaux, appelant à se concentrer sur des analyses constructives et objectives. Il a salué les critiques éclairées, comme celles formulées par certains Conseillers, qui enrichissent le débat et permettent d’améliorer les politiques publiques.
Conclusion
Le discours de Monsieur Abderraman Koualamallah reflète une vision stratégique et inclusive de la diplomatie tchadienne. En insistant sur la stabilisation politique, la protection des citoyens à l’étranger, et le renforcement de la présence du Tchad sur la scène internationale, le Ministre a dessiné une feuille de route ambitieuse. Si les efforts entrepris sont salués, la réussite de ces initiatives dépendra de leur mise en œuvre effective et de l’engagement continu des acteurs gouvernementaux.
Ce discours marque un tournant dans la diplomatie tchadienne, plaçant l’humain et le développement au cœur de ses priorités.
JACQUES ROGER