GUINEE: L’UFDG sous pression : la junte guinéenne fragilise l’opposition politique
L’UFDG sous pression : la junte guinéenne fragilise l’opposition politique
La situation politique en Guinée reste marquée par les tensions entre le régime militaire en place et les principaux partis d’opposition. Parmi ces derniers, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), dirigée par Cellou Dalein Diallo, est au centre des manœuvres du pouvoir. Représentant une large partie de la communauté peule et jouissant d’un soutien significatif grâce à une diaspora influente et une élite économique, l’UFDG est depuis longtemps un acteur clé de la scène politique guinéenne. Pourtant, sous le régime de transition instauré depuis 2021, ce parti subit des attaques répétées qui visent à affaiblir son leadership et à diviser ses rangs.
La stratégie de division : la cooptation des rivaux de Cellou Dalein Diallo
Depuis la prise de pouvoir par la junte, une stratégie subtile mais implacable semble se dessiner : fragiliser la position de Cellou Dalein Diallo en promouvant des figures dissidentes au sein de son parti.
• Dès 2021, la junte a coopté Ousmane Gaoual Diallo, un cadre influent de l’UFDG connu pour son opposition ouverte à Dalein Diallo. Après son entrée au gouvernement de transition, il a été exclu du parti en 2022, mais conteste toujours cette décision et revendique son ambition de diriger l’UFDG.
• En février 2024, la nomination au poste de Premier ministre de Amadou Bah Oury, membre fondateur de l’UFDG également en conflit avec Dalein Diallo, a marqué une nouvelle étape dans cette stratégie. Écarté du parti en 2016, Bah Oury représente une autre figure dissidente utilisée par la junte pour affaiblir le leadership de Diallo.
Ces initiatives traduisent une volonté claire de diviser les forces de l’UFDG, notamment en encourageant des rivalités internes susceptibles d’éroder son unité et son efficacité.
Une “mise sous observation” et une pression institutionnelle accrue
La junte a également intensifié sa pression institutionnelle sur l’UFDG, mettant en avant des arguments administratifs pour justifier son ingérence. L’une des critiques formulées contre le parti est l’absence de congrès depuis 2015. Si l’organisation de ce congrès est désormais prévue pour 2025, les circonstances compliquent la participation de Cellou Dalein Diallo, actuellement en exil.
Après avoir quitté la Guinée à la suite de la démolition de sa résidence à Conakry par la junte – sous prétexte qu’il s’agissait d’un bien mal acquis –, Diallo a vu la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) ouvrir une enquête contre lui pour des soupçons de corruption remontant à la privatisation d’Air Guinée lorsqu’il était ministre des Transports. Ces accusations, perçues par beaucoup comme politiquement motivées, rendent son retour en Guinée risqué et incertain, et pourraient perturber le congrès de 2025.
Dans ces conditions, l’UFDG continue de miser sur son champion, Cellou Dalein Diallo, qui semble pourtant avoir maille à partir avec la justice guinéenne. Exilé depuis trois ans, il demeure une figure centrale du parti et de l’opposition en général. Mais la situation actuelle pourrait poser une question stratégique essentielle : le parti aura-t-il une bonne lecture de la conjoncture politique et envisagera-t-il un autre candidat, à l’instar du Pastef au Sénégal ? Ou bien, l’UFDG restera-t-il intrinsèquement lié à Cellou Dalein Diallo, et inversement ?
Une manœuvre pour contrôler l’opposition dans son ensemble
Le cas de l’UFDG illustre une stratégie plus large du régime militaire visant à affaiblir les principaux partis d’opposition, en les soumettant à des contraintes administratives, judiciaires et politiques. Cette politique d’« assainissement » se traduit notamment par :
• La multiplication des accusations de corruption ou de gestion opaque contre les figures de l’opposition, souvent perçues comme des prétextes pour les écarter de la compétition politique.
• Une tentative de rendre les partis dépendants du régime de transition, en fragilisant leurs bases populaires et en les forçant à chercher des compromis.
• Une volonté apparente de limiter les candidatures des figures les plus influentes, comme Cellou Dalein Diallo, à l’élection présidentielle de 2025, censée marquer la fin de la transition.
L’enjeu de la présidentielle de 2025
Alors que la junte s’engage à organiser des élections présidentielles en 2025, ces manœuvres contre l’opposition soulèvent des questions sur la transparence et l’équité du processus. L’UFDG, malgré ses divisions internes et les attaques extérieures, reste l’un des rares partis capables de mobiliser une opposition significative au régime militaire. Cependant, la marginalisation de Dalein Diallo et la montée en puissance de figures rivales favorisées par la junte risquent de compliquer ses chances de jouer un rôle décisif dans cette échéance.
La réponse à la question “L’UFDG, c’est Cellou Dalein Diallo, et Cellou Dalein Diallo, c’est l’UFDG ?” reste en suspens. L’avenir nous dira si le parti réussira à s’adapter en explorant de nouvelles figures ou si son destin restera lié à celui de son leader historique. Dans tous les cas, les choix stratégiques de l’UFDG dans les mois à venir seront déterminants pour l’avenir démocratique de la Guinée.
JACQUES ROGER