JUSTICE – CÔTE D’IVOIRE: Affaire “le Guinéen” Traoré : Suspicion de fraude documentaire et rebondissements en audience
Affaire Traoré : Suspicion de fraude documentaire et rebondissements en audience
L’audience du 6 novembre a mis en lumière des contradictions troublantes et des révélations inattendues dans une affaire complexe de supposée fraude documentaire impliquant la famille Traoré. Le maire de Tiasalé, Assalé Tiémoko, avait initié cette plainte, accusant plusieurs membres de la famille Traoré d’avoir utilisé des faux documents pour obtenir la nationalité ivoirienne et s’inscrire sur les listes électorales.
Déclaration du maire Assalé Tiémoko devant le tribunal
A l’ouverture, le maire a été appelé à la barre pour justifier les raisons de sa saisine. A la barre, Assalé Tiémoko a déclaré « Monsieur le Président, j’ai été élu maire de Tiasalé en 2018. » Jusqu’en 2023, je ne connaissais pas ces trois personnes. En mai 2023, j’ai découvert une vidéo circulant sur les réseaux sociaux dans laquelle Mohamed Traoré m’accusait d’être un menteur et un trafiquant d’influence.
Ne connaissant pas cet individu et agissant en tant qu’officier de police judiciaire, j’ai consulté le procureur ici présent et lui ai envoyé la vidéo. Suite à cela, Mohamed Traoré a été interpellé par la police de Tiasalé. Devant l’officier de police, il a déclaré être guinéen et qu’il ne possédait aucune pièce d’identité. J’ai donc informé le procureur de ma volonté de porter plainte contre l’auteur principal de la vidéo, le nommé Zasso Dagrou, alias Anglobal. Cette plainte, déposée au parquet du plateau, est toujours pendante. Après avoir été relâché, Mohamed Traoré a lancé un direct sur Facebook, réitérant ses attaques. Le même jour, Cheikh Fakoumant Traoré, que je ne connaissais pas aussi, a également proféré de graves insultes à mon encontre, allant jusqu’à remettre en question ma nationalité dans des diffusions en direct.
Ils ont même organisé un meeting public au cours duquel, un individu a affirmé connaître mes origines et que mon père serait de nationalité burkinabé, et la vidéo de ce meeting a été partagée sur leur réseau. J’ai informé monsieur le procureur et je lui ai remis la vidéo de ce meeting et j’ai déposé une plainte contre tous ces individus, leur demandant de fournir des preuves pour étayer leurs allégations. Cette plainte est toujours pendante devant ce tribunal.
A l’affichage de la liste électorale courant juin 2023, j’ai remarqué la présence de Mohamed Traoré, né le 11 avril 1984, et dénommé Cheikh Fakoumant Traoré, né le 3 juin 1990, et Traoré Mahadi, né le 2 juin 1993 sur cette liste électorale. Comment se fait-il que Mohamed Traoré, qui déclarait en m’être guinéen sans aucune pièce, a-t-il procédé pour figurer sur cette liste électorale ? La recherche de la réponse à cette question m’a conduit à faire des investigations sur Mohamed Traoré et les deux autres, vu qu’ils avaient le même père et la même mère. Au fil de mes investigations, j’ai découvert qu’ils avaient obtenu leur certificat de nationalité à partir de la carte d’identité d’une dame nommée Koulibaly Mariam, née le 1er janvier 1967 à Ndoussi. Mes recherches m’ont également révélé que Cheikh Fakoumant Traoré a fait ses études primaires et secondaires à Tiasallé et qu’après avoir obtenu son baccalauréat au lycée Moderne, il n’a pas été orienté dans une université publique ivoirienne parce qu’il n’était pas ivoirien, car l’État de Côte d’Ivoire n’oriente pas après le bac, les enfants de nationalité étrangère. Par la suite, j’ai appris qu’il était parti en Guinée pour s’inscrire à l’université Kofi Annan de Conakry en tant qu’étudiant guinéen et y est resté jusqu’en 2016, devenant même président d’une promotion là-bas. Si son accès aux universités ivoiriennes lui a été refusé en raison de son statut de non-ivoirien, comment se fait-il que Cheikh Fakoumant Traoré figure sur la liste électorale comme ivoirien ? Il me fallait donc retrouver les documents qui lui ont permis d’être inscrit sur la liste électorale. Mes investigations à Abidjan m’ont conduit à une carte d’identité ivoirienne, utilisée pour obtenir son certificat de nationalité, qui appartient à une dame nommée Koulibaly Mariam, née le 1er janvier 1967 à Ndoussi. J’ai aussi découvert que cette même carte avait servi à établir les certificats de nationalité de Mohamed Traoré et Traoré Mahadi. En possession de ces informations, j’ai saisi la commission électorale indépendante, CEI, de Tiassalé d’une requête pour radier de la liste électorale pour utilisation de faux documents, 18 personnes, dont les 3 accusés. Mais la CEI Tiassalé n’a donné aucune suite à cette requête.
J’ai alors saisi le Président du Tribunal mais la requête a été rejetée pour un vice de forme lié à un souci de signature entre les deux requêtes. C’est après cela que j’ai pris l’initiative de saisir Monsieur le Procureur, en ma qualité d’officier de police judiciaire, conformément à l’article 31 du Code de procédure pénale. Cet article stipule que les officiers de police judiciaire sont tenus d’informer sans délai le Procureur de la République de toutes les infractions dont ils ont connaissance. N’ayant pas eu de suite, j’ai alors informé Monsieur le Procureur de ma volonté de poursuivre mes investigations afin de rassembler d’autres éléments nécessaires à l’élaboration d’une plainte directe. C’est ainsi que j’ai décidé d’effectuer des recherches à la sous-préfecture de Tiassalé concernant le nommé Mohamed Traoré, né en 1984, sachant qu’à cette époque, la mairie n’existait pas. Mais je n’ai pas eu de résultat. Je me suis donc dirigé vers l’état civil de la mairie de Tiassalé. Là, j’ai retrouvé les registres de déclaration de naissance du dénommé Cheikh Fakoumant Traoré, né le 3 juin 1990 à Tiassalé, fils de Moussa Traoré, né en 1956 à Kinivakoro, Sigiri, Guinée, et de Koulibaly Mariam, né le 28 août 1967 à Maklifarabar, Sigiri, Guinée. J’ai également découvert le registre de naissance de Traoré Mahadi, né le 2 juin 1993 à Tiassalé, fille de Moussa Traoré et de Koulibaly Mariam, né le 28 août 1967 à Maklifarabar en Guinée. Les déclarations de naissance ont été effectuées par les deux parents. En marge de la déclaration de naissance de Traoré Mahadi, il est précisé qu’une décision du procureur de Tiassalé a modifié le cas de Koulibaly en C, tout en maintenant à changer les autres informations relatives à la date et au lieu de naissance de la mère. Monsieur le Président, c’est en m’appuyant sur ces informations que j’ai porté l’affaire devant le parquet contre les trois accusés, pour faux et usage de faux dans des documents administratifs, faux qui leur a permis de s’inscrire sur la liste électorale et j’ai produit toutes les preuves en soutien à cette plainte. En présentant l’ensemble des preuves. Voilà Monsieur le Président, ce que j’avais à déclarer.
Une audience marquée par des incohérences
L’audience a débuté avec un défi logistique : Traoré Mahadi, l’une des accusées, a affirmé qu’elle ne comprenait pas le français, nécessitant un traducteur. Après plusieurs tentatives, un traducteur a été mis en place, mais la surprise a été totale lorsque Mahadi a commencé à répondre en français aux questions du procureur, révélant qu’elle maîtrisait la langue. Elle a ensuite soutenu que sa mère était née à Ndoussi, Côte d’Ivoire, alors que des documents fournis par le maire mentionnent une naissance en Guinée. Ce décalage entre les déclarations de la famille et les preuves soumises ajoute un niveau de complexité supplémentaire à l’affaire.
Des déclarations du père qui sèment le doute
Moussa Traoré, le père des accusés, a été appelé à la barre pour clarifier la situation. Il a affirmé que tous ses enfants ont la même mère, Koulibaly Mariam, née selon lui à Ndoussi. Cependant, les actes de naissance de Cheikh Fakoumant et Traoré Mahadi, établis respectivement en 1990 et 1993, indiquaient que la mère était née en Guinée. Lorsqu’interrogé sur ces informations contradictoires, Moussa Traoré a affirmé avoir utilisé les papiers de la mère de sa femme, une citoyenne guinéenne, lors des déclarations de naissance, une explication qui a suscité de nombreuses interrogations. De plus, il a nié reconnaître les signatures apposées sur les actes de naissance de ses enfants, demandant même à fournir un spécimen de signature en audience pour comparaison.
Un report pour une enquête plus approfondie
Face à ces incohérences et aux éléments peu clairs, le président a décidé de reporter l’affaire au 20 novembre. Cette période de suspension permettra à Moussa Traoré de produire les actes de naissance de ses autres enfants déclarés auprès de la sous-préfecture, afin de vérifier les signatures. Le procureur a également requis la présence de l’oncle maternel des accusés, pour tenter d’apporter des clarifications sur les origines de la mère des accusés et les démarches administratives entourant la famille Traoré.
Cette affaire met en lumière les défis que représente la vérification d’identité et de nationalité dans un contexte où les documents officiels peuvent parfois être manipulés. Le tribunal espère que les éléments supplémentaires attendus permettront de trancher avec plus de précision dans cette affaire aux multiples rebondissements.
Quand des non-Ivoiriens fraudeurs dictent-ils l’avenir de la Côte d’Ivoire ?
L’affaire “le Guinéen” Traoré nous interpelle sur des réalités troublantes : combien de Traoré, et d’autres individus aux origines floues, se cachent dans nos administrations et sur nos listes électorales, prêts à choisir notre président et nos leaders ? Combien de ces mêmes personnes ont participé, ou applaudi, à la rébellion qui a défiguré la Côte d’Ivoire ?
Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux, on voit certains de ces individus, parfois avec une arrogance déconcertante, influencer les débats, accuser les Ivoiriens authentiques de non-Ivoiriens, tout en narguant ceux qui osent remettre en question leur présence et leur rôle. Cette arrogance, transmise de génération en génération, prospère dans le système actuel, où ces fraudeurs et leurs familles trouvent un confort certain sous le régime RHDP. Et, face à toute menace à leurs avantages acquis, souvent de manière douteuse, certains n’hésiteraient pas à provoquer une nouvelle crise.
Le Maire Assalé, par son courage, nous entraîne dans un débat de société et de justice essentiel, loin des discours des fraudeurs impénitents et de leurs soutiens bruyants. Pour défendre l’intégrité de notre nation et préserver notre démocratie, il est plus que temps d’instaurer des audits dans nos administrations et de contrôler scrupuleusement notre fichier électoral.
Oui, le moment est venu de protéger l’authenticité ivoirienne et de restaurer la citoyenneté véritable de notre pays.
JACQUES ROGER