Dr. Boga Sako Gervais avec Jacques Roger : La Liberté en Danger en Côte d’Ivoire et le Refus de la Tricherie en 2025
L’HEURE DES DÉCISIONS : JACQUES ROGER vs Dr. BOGA SAKO GERVAIS

Dr. Boga Sako Gervais, enseignant-chercheur, militant engagé pour les Droits de l’Homme, fondateur de la FIDHOP (Fondation Ivoirienne pour les Droits de l’Homme et la Vie Politique) et GRADDH-AFRIQUE, créée aux USA en 2019., s’est exprimé sans détour lors de son passage au micro de Jacques Roger sur Afrique2050. Placé sous contrôle judiciaire, il a partagé les défis auxquels il fait face, notamment lorsqu’il doit quitter le pays, soumis à des autorisations judiciaires. Il a relaté ses récents déplacements entre Paris, le Danemark, et Florence, et souligné la réalité difficile des personnalités politiques placées sous contrôle judiciaire en Côte d’Ivoire.
Sur la liberté et la démocratie :
Dr. Boga a fait un parallèle entre les grandes villes comme New York et Abidjan, affirmant que, tout comme Houphouët-Boigny avait cherché à transposer Paris à Abidjan, Alassane Ouattara semble vouloir transposer New York avec ses gratte-ciels et ses ponts. Cependant, pour lui, la construction d’infrastructures ne suffit pas. Il a posé une question centrale : “Qu’en est-il de la liberté et des droits de l’homme ?”
Il a exprimé sa crainte que la liberté acquise sous Laurent Gbagbo soit en recul sous le régime actuel. Selon lui, bien que Gbagbo n’ait pas réussi à instaurer une couverture santé universelle, il a laissé une empreinte indélébile en matière de liberté d’expression et de démocratie.
Une critique sévère de la gestion des droits de l’Homme :
Dr. Boga n’a pas mâché ses mots sur la gestion actuelle des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire. “Les politiques que nous avons acquises sont aujourd’hui verrouillées”, a-t-il déclaré, dénonçant le manque de liberté pour critiquer le Président Ouattara. Pour lui, il est inconcevable que ceux qui dirigent le pays ne puissent être remis en question, alors qu’ils sont mandatés par le peuple pour gérer le patrimoine national. “Nous l’avons envoyé pour diriger le pays pendant 5 ans. Il en a fait 15. Et je ne peux pas le critiquer.”
Il a également mis en lumière les failles de la justice ivoirienne, qui permet aux autorités de contourner les verdicts ou d’intimider les opposants. Il a dénoncé une ordonnance récente limitant le droit de manifester pour la société civile.
Des exemples concrets de violations des droits :
L’un des points forts de l’interview fut l’évocation des cas concrets comme celui de Mabou, alias Rodel Dosso, enlevé chez lui et emprisonné. Dr. Boga a évoqué ces événements pour montrer que les libertés et les droits de l’Homme sont sérieusement menacés en Côte d’Ivoire. Malgré cette situation difficile, il a réaffirmé sa détermination : “J’ai fait un choix il y a 30 ans. J’utilise ma voix et mon cerveau pour dire les choses telles qu’elles doivent être. Et si je ne le fais pas, cela signifie que je suis mort.”
La peur omniprésente :
Face aux questions de Jacques Roger sur sa sécurité, Dr. Boga a avoué que la peur est bien réelle : “Il est normal d’avoir peur. Quand on vous envoie des cohortes de personnes cagoulées, on se demande dans quel pays nous vivons.” Il a critiqué la militarisation excessive et la répression, évoquant la présence d’agents cagoulés, même lors d’interpellations, une pratique inhabituelle en Côte d’Ivoire.
Un triste constat sur l’état des droits de l’Homme :
Enfin, Dr. Boga a donné une note de 3 à 5 sur 20 à la situation des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire, rappelant que même dans des pays comme les États-Unis et le Canada, les droits de l’Homme ne sont pas toujours respectés, citant l’exemple de George Floyd et la récente affaire d’Alexandra au Canada. Mais en Côte d’Ivoire, la situation est encore plus préoccupante : “On peut tuer en toute impunité. On contrôle tout, je parle, et tout le monde se tait.”
Avec des propos percutants et une vision lucide de la situation, Dr. Boga Sako Gervais a une fois de plus montré que la défense des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire est une bataille permanente. Une bataille où la liberté d’expression semble de plus en plus étouffée, et où la justice est remise en question. L’heure des décisions est cruciale pour l’avenir du pays.
LA FESCI
Dr. Boga Sako Gervais a souligné que, malgré une gestion maladroite des autorités face à la crise actuelle, il est crucial de reconnaître que la FESCI, bien que marquée par des dérives et un passé tumultueux, reste une institution clé dans la vie universitaire en Côte d’Ivoire. « La FESCI a été fondée pour défendre les intérêts des étudiants, mais elle a souvent été manipulée par les différents régimes politiques, devenant un instrument de pression », a-t-il affirmé. Selon lui, la véritable question aujourd’hui est de savoir comment redonner à cette organisation son rôle originel de défense des droits des étudiants, sans qu’elle ne soit prise en otage par des intérêts politiques externes.
Dr. Boga a également souligné que la violence qui entoure la FESCI n’est pas nouvelle, mais que la gravité de la crise actuelle, marquée par des affrontements sanglants et des pertes humaines, est particulièrement alarmante. Il a insisté sur le rôle central que doit jouer la société civile, notamment les organisations de défense des droits de l’homme, dans la dénonciation des abus et la promotion de la réconciliation entre les parties impliquées. « Il est indispensable de créer des espaces de dialogue pour permettre aux étudiants de s’exprimer pacifiquement », a-t-il ajouté.
Concernant la responsabilité des autorités, Dr. Boga a critiqué leur approche répressive, appelant le gouvernement à adopter une stratégie plus humaniste. « Au lieu de gérer la crise avec une main de fer, il est temps d’écouter les doléances des étudiants, de réformer le système éducatif pour répondre aux vrais besoins, et surtout, de restaurer la confiance dans les institutions universitaires », a-t-il déclaré. Pour lui, les étudiants doivent être perçus comme des partenaires essentiels dans le développement du pays, et non comme des ennemis de l’État.
En ce qui concerne les cités universitaires, Dr. Boga a dénoncé la décision des autorités de vider ces espaces, qui sont censés être des lieux de paix pour les jeunes. « En vidant les cités universitaires, le gouvernement déplace simplement le problème sans le résoudre. Ces espaces devraient être réhabilités, sécurisés et les résidents mieux encadrés pour éviter les dérapages », a-t-il suggéré. Il a également souligné que l’éducation ne peut prospérer dans un climat de peur et d’insécurité.
Enfin, Dr. Boga a proposé la création d’un comité indépendant composé de membres de la société civile, de représentants étudiants, d’enseignants et de personnalités impartiales pour superviser la réorganisation de la FESCI. Ce comité, selon lui, permettrait de réformer cette organisation en profondeur afin qu’elle puisse se concentrer à nouveau sur la défense des droits des étudiants, loin des manipulations politiques qui l’ont dénaturée.
Il a conclu en rappelant que la responsabilité de la crise actuelle ne repose pas uniquement sur les autorités et la FESCI, mais sur la société ivoirienne dans son ensemble. « La violence qui gangrène les milieux étudiants est le reflet de fractures plus profondes au sein de la société. Sa résolution nécessite une approche inclusive et pacifique », a-t-il affirmé.
Élections 2025 : Un Appel à la Dignité et à la Transparence
Dr. Boga Sako Gervais a abordé la question cruciale des élections présidentielles de 2025 en Côte d’Ivoire. Il a affirmé qu’il n’était pas nécessaire que le Président actuel soit à nouveau candidat, estimant qu’il s’agit avant tout d’une question d’honorabilité et de respect des principes démocratiques. « La longévité au pouvoir ne garantit pas la stabilité ou la prospérité d’un pays », a-t-il déclaré, en ajoutant que l’alternance politique est une des bases d’une démocratie saine. Il a également souligné l’importance de respecter la Constitution et les institutions, rappelant que chaque dirigeant doit se conformer aux règles et éviter de manipuler le système pour prolonger son mandat.
Sur l’exclusion du Président Laurent Gbagbo de la liste électorale, Dr. Boga a exprimé sa déception et son insatisfaction. « Je reste sur ma faim… Il a critiqué cette exclusion comme étant injuste et contraire aux principes démocratiques, tout en remettant en question la transparence des décisions prises par les autorités en place.
Conclusion :
En fin de compte, ce drame met en lumière l’urgence d’une réforme profonde du système éducatif et universitaire en Côte d’Ivoire. La violence n’a jamais été une solution durable, et il est temps que les autorités, la société civile et les étudiants eux-mêmes, s’assoient à la même table pour discuter des réformes nécessaires. Si le gouvernement continue à réprimer brutalement les mouvements étudiants, cela ne fera qu’intensifier les tensions. Il est temps de donner la parole aux jeunes, de leur offrir un cadre dans lequel ils peuvent s’épanouir et contribuer à la construction d’une Côte d’Ivoire pacifique et prospère.
JACQUES ROGER
