CPI : Fermeture annoncée du bureau de la CPI en Côte d’Ivoire : Analyse des conséquences sans revenir sur les événements de 2010
Fermeture annoncée du bureau de la CPI en Côte d’Ivoire : Analyse des conséquences sans revenir sur les événements de 2010
La Cour pénale internationale (CPI) a récemment annoncé la fermeture de son bureau en Côte d’Ivoire, prévue pour 2025. Cette décision suscite de nombreuses interrogations et réflexions sur son impact dans un pays qui a traversé deux décennies de crises politico-militaires ayant fait des centaines de milliers de morts et des millions de victimes directes ou indirectes. Si la CPI a mené des enquêtes sur les violences post-électorales de 2010-2011 ainsi que sur la crise de 2002, il est important de comprendre pourquoi cette fermeture survient maintenant, et quelles en seront les conséquences pour la justice et les victimes, sans pour autant revenir sur les événements précis ni les auteurs impliqués, sachant que Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ont été définitivement acquittés en mars 2021.
Pourquoi la fermeture du bureau de la CPI ?
La CPI a ouvert des enquêtes en Côte d’Ivoire dès 2011, après les violences meurtrières qui ont suivi les élections de 2010. Bien que l’acquittement de Gbagbo et Blé Goudé ait marqué un tournant majeur, le bureau de la CPI a poursuivi ses activités, notamment dans le cadre de la sensibilisation et des enquêtes en cours. La Cour s’est engagée à enquêter sur les responsables de violations graves des droits de l’homme, quelle que soit leur affiliation politique. Cependant, avec la conclusion imminente des enquêtes, y compris celles visant certains membres du camp d’Alassane Ouattara, la CPI considère que sa mission principale en Côte d’Ivoire touche à sa fin.
L’autre raison principale de cette fermeture est liée à la fin du programme d’assistance aux victimes. Ce programme, qui s’achèvera en 2025, a permis d’apporter des réparations à environ 8 000 victimes des différentes crises. Selon la CPI, la mise en œuvre de ce programme représente une étape clé dans le processus de justice réparatrice, même si les besoins demeurent immenses.
Conséquences de la fermeture pour les victimes et la justice en Côte d’Ivoire
Si la CPI tire sa révérence en 2025, les interrogations restent nombreuses quant à la continuité des efforts de justice et de réconciliation en Côte d’Ivoire. Depuis le début des années 2000, des violences ont endeuillé le pays, laissant un lourd bilan de plus de 3 000 morts, des milliers de blessés et des millions de personnes affectées psychologiquement, économiquement et socialement. En dépit des procès médiatisés, de nombreuses victimes n’ont pas encore obtenu justice ni réparation. La fermeture du bureau de la CPI pourrait ainsi laisser un sentiment d’inachèvement chez ces populations qui espéraient une plus grande prise en compte de leurs souffrances.
Pire encore, on assiste aujourd’hui à une situation paradoxale où certains bourreaux semblent se transformer en victimes, tandis que des victimes deviennent bourreaux. Ce renversement des rôles brouille encore plus la quête de vérité. Un gouvernement qui, au lieu de soulager les souffrances par la vérité des faits, semble fermer les yeux et se contenter du statu quo, laisse planer une impression d’abandon. Cette inaction apparente, perçue par certains comme une complicité tacite, empêche d’ouvrir la boîte de Pandore de ces traumatismes non résolus. Or, cette vérité est cruciale pour que les victimes réelles soient reconnues et que justice soit rendue.
Un défi pour la justice nationale
La fermeture du bureau de la CPI pose également la question de la capacité des institutions ivoiriennes à prendre le relais. La CPI a souvent été perçue comme un recours ultime face à l’incapacité ou la réticence des juridictions nationales à poursuivre certains dossiers sensibles. Désormais, avec son départ, les attentes se tourneront vers le système judiciaire ivoirien, qui devra montrer qu’il est capable d’assurer la justice de manière impartiale et équitable, quelle que soit l’appartenance politique des accusés.
En conclusion, la fermeture du bureau de la CPI en Côte d’Ivoire en 2025 marque la fin d’une ère, mais ne clôt pas nécessairement le chapitre des crimes commis durant les crises successives. La question reste posée : comment les victimes continueront-elles à obtenir justice après le départ de cette institution internationale, et quels mécanismes locaux pourront garantir la vérité, la justice et la réconciliation pour l’ensemble des Ivoiriens ? Les années à venir seront cruciales pour répondre à ces enjeux et assurer que le pays ne retombe pas dans les travers du passé.
JACQUES ROGER