Gabon : Ce que contient le projet de Constitution et comparaison avec la Côte d’Ivoire
Gabon : Ce que contient le projet de Constitution et comparaison avec la Côte d’Ivoire
Le projet de Constitution gabonais, récemment dévoilé, introduit des critères très stricts pour l’éligibilité à la présidence de la République. Ce texte, issu du dialogue national inclusif, propose un cadre législatif qui renforce considérablement les conditions d’accès au pouvoir, avec un régime présidentiel marqué par des restrictions précises, notamment sur la nationalité, l’âge et la résidence. Ces dispositions ne sont pas sans rappeler certaines controverses constitutionnelles en Afrique, comme en Côte d’Ivoire, où la question de la nationalité avait également cristallisé des tensions.
Les Conditions d’Éligibilité à la Présidence au Gabon

Dans ce projet, les candidats à la présidence doivent :
- Être nés de père et de mère gabonais et ne posséder que la nationalité gabonaise. Tout citoyen disposant d’une autre nationalité doit y renoncer deux ans avant l’élection.
- Avoir entre 35 et 70 ans.
- Résider au Gabon pendant au moins trois ans sans interruption avant de pouvoir se présenter.
- Être marié à un(e) Gabonais(e) né(e) de parents eux-mêmes gabonais.
- Parler une langue locale et jouir d’un état de santé physique et mental prouvé par un collège médical.
Le président élu dispose d’un mandat de sept ans, renouvelable une seule fois, et la disposition sur le mariage entre personnes de sexe différent est intangible. Ces conditions, d’une grande rigueur, visent à restreindre l’accès à la magistrature suprême à des individus très ancrés dans la société gabonaise.
La Vacance Temporaire et le Rôle du Sénat
Le projet de Constitution prévoit une vacance temporaire de pouvoir en cas d’empêchement du président, pour une durée maximale de 120 jours. Ce mécanisme permet de pallier des situations comme celle survenue en 2018 avec l’AVC d’Ali Bongo. En cas de vacance définitive, le président du Sénat assure l’intérim jusqu’à l’élection d’un nouveau président.
Comparaison avec la Côte d’Ivoire : Une Constitution Controversée
Ce projet gabonais rappelle certaines tensions constitutionnelles en Côte d’Ivoire, particulièrement celles autour de la Constitution de 2010, qui imposait des critères stricts sur la nationalité des candidats. Cette Constitution exigeait que le président soit né de père et de mère ivoiriens et n’ait jamais renoncé à la nationalité ivoirienne. Cette disposition avait provoqué de vives critiques, notamment de la part du Rassemblement des Républicains (RDR), dirigé alors par Alassane Ouattara. Le RDR dénonçait une exclusion politique qui visait particulièrement Ouattara, en raison de ses origines perçues comme étrangères par certains.
Ces critiques ont contribué à un climat de tension politique extrême, qui a finalement débouché sur une rébellion armée et le coup d’État de 1999. Ce contexte explosif a mis en lumière les dangers d’une restriction excessive des critères d’éligibilité, perçue comme une manière d’éliminer certains candidats de la scène politique.
Une Approche Plus Souple Critiquée en 2016
En 2016, sous la présidence d’Alassane Ouattara, la Côte d’Ivoire a modifié sa Constitution, supprimant les critères de nationalité exclusive et d’origine parentale stricte. Cette version, bien plus souple que celle de 2010, n’a cependant pas fait l’unanimité. Bien qu’elle ait permis une ouverture plus large des candidatures, elle a été critiquée pour d’autres raisons, notamment la possibilité d’un renforcement de l’exécutif. Contrairement au Gabon, où les réformes actuelles tendent vers une plus grande restriction, la Côte d’Ivoire a choisi de rendre son cadre législatif plus inclusif, même si cela a été perçu par certains comme un compromis politiquement motivé.
Conclusion
Le projet de Constitution du Gabon introduit des critères stricts qui restreignent l’accès à la présidence à une élite très ancrée dans la société gabonaise. Ces mesures contrastent avec l’approche plus souple adoptée en Côte d’Ivoire en 2016, même si cette dernière avait été précédée de dispositions très restrictives dans la Constitution de 2010, qui avait attisé des tensions majeures. Si la stricte application des critères gabonais pourrait garantir une stabilité à long terme, elle pourrait également engendrer des frustrations politiques similaires à celles observées en Côte d’Ivoire, où des conditions d’éligibilité controversées avaient abouti à une décennie de troubles.
JACQUES ROGER