ANALYSE POLITIQUE : LES FONDS DE SOUVERAINETÉ DE OUATTARA À LA FIN DE SES TROIS MANDATS (15 ANS)
La gestion des fonds de souveraineté par les chefs d’État africains a toujours été un sujet délicat, souvent entouré de mystère et de suspicion.
La gestion des fonds de souveraineté par les chefs d’État africains a toujours été un sujet délicat, souvent entouré de mystère et de suspicion. Imaginons un instant que les chiffres avancés par La Lettre du Continent dans son enquête du 30 août 2017 soient vrais : le président Alassane Ouattara aurait disposé, durant ses mandats, d’un fonds souverain de 342,6 milliards de francs CFA (environ 521 millions d’euros), en hausse de 20 milliards par rapport à 2015. Ce montant, était géré directement par son frère, le ministre des Affaires présidentielles Birahima Téné Ouattara, échapperait à toute supervision par la Cour des comptes, dirigée par Kanvaly Diomandé, et par les députés, majoritairement issus du Rassemblement des Républicains (RDR), le parti au pouvoir à l’époque.
Une Accumulation de Richesses Déconcertante
Si ces chiffres étaient véridiques et qu’on extrapolait une enveloppe annuelle de 343 milliards de francs CFA sur une période de 15 ans, le montant total cumulé atteindrait environ 5 145 milliards de francs CFA, soit environ 9 trillions de dollars. Cette somme représenterait presque la moitié de la dette intérieure de la Côte d’Ivoire, estimée à 11,7 milliards de dollars à rembourser d’ici 2026 selon Agence Ecofin, et près de 20 % de la dette extérieure du pays, qui avoisinerait 49 trillions de dollars US.
Une telle accumulation de fonds est proprement stupéfiante et suscite de nombreuses interrogations. Elle permettrait de mieux comprendre pourquoi certains chefs d’État africains seraient réticents à quitter le pouvoir à la fin de leurs mandats constitutionnels. Outre les fonds de souveraineté, il faudrait également prendre en compte les salaires, traitements, voyages, et autres dépenses luxueuses associées à la fonction présidentielle, qui viendraient encore alourdir la facture.
Le Silence des Institutions et l’Absence de Contrôle
L’un des aspects les plus troublants de cette hypothèse serait l’absence totale de contrôle ou de transparence. Le président de la Cour des comptes n’aurait aucun droit de regard sur ces fonds, et les députés, en majorité acquis à la cause du RDR, éviteraient soigneusement de soulever la question. Cette opacité poserait un sérieux problème de gouvernance et de responsabilité publique, surtout dans un pays où les inégalités sociales et économiques restent très marquées.
Le communiqué des avocats du président – Maitres Jean-Paul Benoit et Jean-Emmanuel Blard.
Le président Ouattara avait d’ailleurs porté plainte en France après la publication de cet article. Bien que le tribunal ait reconnu le caractère diffamatoire des propos, les prévenus ont été relaxés au bénéfice de la bonne foi. Le jugement a souligné que l’article s’inscrivait dans un « débat d’intérêt général » et que le journaliste disposait d’une « base factuelle suffisante » pour publier ces informations. Pourtant, malgré ce procès, nous ne connaissons toujours pas le montant exact des fonds de souveraineté du président.
Conclusion : Une Question Cruciale et Incontournable
Face à ces chiffres, même hypothétiques, une question essentielle se pose : quel est réellement le montant des fonds de souveraineté du président Ouattara ? Pourquoi une telle opacité entoure-t-elle ces sommes ? Il s’agit de l’argent du contribuable ivoirien, et en tant que citoyens, n’avons-nous pas le droit de savoir comment ces fonds sont utilisés ?
Cette transparence est d’autant plus nécessaire pour éviter les spéculations dangereuses et les malentendus qui pourraient entraîner des procès ou des tensions sociales. Seule une gestion claire et ouverte de ces ressources publiques peut renforcer la confiance des Ivoiriens dans leurs institutions et garantir une gouvernance responsable et respectueuse des principes démocratiques. Alors que la Côte d’Ivoire se prépare pour les prochaines élections présidentielles en 2025, il est crucial que ces questions soient abordées de manière ouverte et transparente pour renforcer la confiance du peuple dans ses institutions.
JACQUES ROGER