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    Par KEN OPALO – Mardi, 16 Jul 2024 – Bloomberg

    Le président Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire menace de plonger le plus grand producteur mondial de cacao dans un nouveau cycle de crises politiques avec sa décision de briguer un quatrième mandat controversé.

    Un éventuel embrasement de la plus grande économie de l’Afrique de l’Ouest francophone augmenterait également le risque d’une propagation vers le sud des insurrections violentes qui frappent les voisins du nord du pays.

    C’est pourquoi l’Union africaine, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et les autres partenaires étrangers d’Abidjan, dont la France, devraient tirer parti de leurs liens diplomatiques et personnels étroits pour convaincre M. Ouattara de quitter le pouvoir à la fin de son mandat actuel.

    Les enjeux économiques ne pourraient être plus importants. De 2012 à 2019, la Côte d’Ivoire a connu un taux de croissance moyen de 8,2 %. Son économie devrait connaître l’une des croissances les plus rapides d’Afrique au cours des deux prochaines années, avec un taux moyen de 6,5 % d’ici à 2026.

    Sous le mandat de M. Ouattara, le revenu par habitant est passé de 1 654 USD (2010) à 2 729 USD (2023). Toutes ces réalisations seraient menacées en cas de rupture de l’ordre politique.

    Le bilan mitigé du redressement de la Côte d’Ivoire au cours de la dernière décennie, dans un contexte de stagnation du développement politique, se reflète dans les sondages.

    Selon une enquête Afrobaromètre de 2023, Ouattara jouit d’un taux d’approbation de 60,8 %. Pourtant, le même sondage révèle que 65,3 % des Ivoiriens ne sont pas satisfaits de la démocratie.

    Fait inquiétant, plus de 65 % des personnes interrogées estiment que les forces armées ont le droit d’intervenir dans la vie politique en cas d’abus de pouvoir de la part des dirigeants.

    Ces chiffres devraient inquiéter toute personne désireuse de faire prévaloir le constitutionnalisme après le départ de M. Ouattara.

    Ils reflètent également le boycott de l’élection présidentielle de 2020 par les principaux membres de l’opposition, érodant ainsi sa légitimité. (Ouattara a ainsi remporté 95,3 % des voix).

    Malgré la dernière décennie de stabilité, il convient de rappeler que la Côte d’Ivoire n’est pas à l’abri de la violence politique. Le pays a connu un coup d’État en 1999 et deux guerres civiles depuis lors.

    L’organisation d’une élection présidentielle ouverte en 2025 serait le signal ultime que la Côte d’Ivoire a enfin échappé au tourbillon d’instabilité qui l’a tourmentée depuis la mort de son président fondateur, Félix Houphouët-Boigny, en 1993.

    Cela consoliderait également l’héritage de Ouattara en tant que dirigeant qui a stabilisé l’économie et institutionnalisé la politique.

    La Côte d’Ivoire est également un rempart important contre l’intensification des combats rebelles qui continuent d’entraver les États sahéliens du Burkina Faso, du Mali et du Niger, au nord du pays.

    Un coup d’État dans sa capitale économique Abidjan, l’éclatement d’un conflit ou des problèmes de sécurité dus à la paralysie politique ouvriraient la voie à la violence en provenance du nord.

    Il ne serait alors pas concevable que l’instabilité s’étende aux voisins occidentaux de la Côte d’Ivoire, beaucoup plus pauvres et plus faibles, à savoir le Liberia et la Guinée : le Liberia et la Guinée.

    Le fait que M. Ouattara ait pu se présenter pour un troisième mandat controversé en 2020 et qu’il vise un autre mandat reflète un problème persistant en matière de consolidation démocratique dans les pays africains.

    Souvent, les organisations régionales comme l’Union africaine ou la Cedeao sont promptes à condamner les coups d’État militaires, mais ignorent les “coups d’État constitutionnels” par lesquels les présidents remettent artificiellement à zéro les limites de leur mandat par le biais d’amendements constitutionnels (comme l’a fait M. Ouattara).

    Ces deux types de coups d’État constituent des menaces pour la consolidation démocratique et méritent le même niveau de condamnation vigoureuse.

    La rotation des dirigeants est le véritable test de la maturité politique. Si, il y a dix ans, Ouattara a pu faire valoir de manière convaincante que sa candidature était un garant symbolique de la stabilité, cet argument n’a plus aucun fondement aujourd’hui.

    La Côte d’Ivoire dispose d’un grand nombre de candidats présidentiels viables, dont l’ancien président Laurent Gbagbo et l’ancien directeur général du Credit Suisse Group AG, Tidjane Thiam.

    Les électeurs et les élites politiques ivoiriens seraient bien avisés de s’inspirer de leurs homologues sénégalais.

    Pendant son mandat, le président Abdoulaye Wade s’est appuyé sur l’Assemblée nationale pour modifier la constitution, après quoi il a prétendu que cette mesure avait remis à zéro la limitation du nombre de mandats.

    En fin de compte, les principaux partis d’opposition se sont ralliés au second tour pour battre Wade lors des élections de 2012.

    Le problème de l’option électorale est que la coordination intra-élite sera plus difficile à réaliser en Côte d’Ivoire, où les institutions sont encore marquées par l’histoire récente de l’instabilité politique.

    Qu’on ne s’y trompe pas, les justifications d’une candidature Ouattara qui auraient pu fonctionner en 2020 ou en 2015 ne tiennent plus. En lui accordant un nouveau mandat, on risque de compromettre la stabilité de l’avenir. – Bloomberg

    Ken Opalo est professeur associé à la School of Foreign Service de l’université de Georgetown.

    Les opinions exprimées ici sont celles de l’auteur.

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