États-Unis : rôle, pouvoir, attributions… À quoi sert le vice-président ?
Quelles sont les attributions et les spécificités de cette fonction, actuellement occupée par Kamala Harris aux côtés du président Joe Biden ?
Rodolphe Desseauve – Mis à jour mar. 16 juillet 2024 YAHOO
Un simple remplaçant en cas de problème ? Réunie ce lundi à Milwaukee (États-Unis), la convention du Parti Républicain a officialisé la candidature de Donald Trump, mais aussi celle de son colistier J.D. Vance, qui deviendra vice-président du pays si Trump sort vainqueur de l’élection présidentielle programmée le 5 novembre prochain.
Depuis l’élection de Joe Biden en 2020, ce poste est occupé par Kamala Harris, première femme vice-présidente de l’histoire du pays. Mais à quoi correspond réellement cette fonction de vice-président et quels sont les pouvoirs qui lui sont associés ?
Le premier suppléant du président en exercice
Comme le rappelle un article de France Inter datant de 2020, la fonction du vice-président américain est avant tout d’être le premier suppléant du président en exercice. “S’il arrivait malheur au président, de cause naturelle ou moins naturelle, le vice-président devient président pour qu’il n’y ait pas de vacance du pouvoir”, résume Lauric Henneton, historien spécialiste des États-Unis, cité par le média de service public.
Ce cas de figure s’est déjà présenté à neuf reprises dans l’histoire du pays. Les huit premières fois, le vice-président avait pris le relais après le décès du président. On peut ainsi citer les exemples célèbres d’Andrew Johnson, devenu président après l’assassinat d’Abraham Lincoln en 1865 ; de Harry Truman, successeur de Franklin Roosevelt en 1945 après la mort de ce dernier de cause naturelle ; ou encore de Lyndon Johnson, propulsé à la présidence en 1963 à la suite de l’assassinat de John F. Kennedy.
En 2021, Kamala Harris a été présidente pendant 1h25
La dernière accession d’un vice-président à la Maison Blanche en cours de mandat date de 1974 et correspond à un cas jusqu’ici unique dans l’histoire américaine. Empêtré dans le scandale du Watergate, le président Richard Nixon avait été poussé à la démission et avait été suppléé par Gerald Ford, nommé à la vice-présidence quelques mois plus tôt en remplacement du colistier de Nixon, Spiro Agnew, qui avait lui même démissionné.
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Il arrive aussi que le vice-président remplace temporairement et très ponctuellement le président pour des raisons de santé. Le 13 juillet 1985, George H. W. Bush avait ainsi pris la place de Ronald Reagan pendant huit heures, le temps que le président en exercice se fasse opérer de polypes cancéreux. Plus récemment, le 19 novembre 2021, Kamala Harris a officiellement exercé la fonction de présidente des États-Unis pendant un peu moins d’une heure et demie, au moment où Joe Biden subissait une coloscopie.
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Un rôle politique très flou
Au-delà de cette fonction capitale de président de réserve, le rôle du vice-président n’est que très évasivement évoqué par la Constitution américaine. Comme l’indiquent Les Échos, l’article 1 de cette dernière lui attribue automatiquement la charge de président du Sénat, mais il s’agit d’un titre essentiellement protocolaire. Ainsi, il ne participe pas aux débats parlementaires, ni aux votes, sauf dans un cas très rare : si le vote d’une loi au Sénat débouche sur une égalité parfaite, le pouvoir de trancher d’un côté ou de l’autre revient au vice-président.
Comme l’expliquait Le JDD en 2012, le vice-président a toutefois pris, au cours du XXe siècle, une part de plus en plus active à la politique menée par le président élu. Depuis les années 1930, il participe par exemple de plein droit aux réunions du cabinet présidentiel et depuis 1949, le vice-président est aussi un membre statutaire du Conseil national de sécurité. Toutefois, l’absence de cadre clair sur le plan constitutionnel fait que les missions dévolues au numéro 2 de l’exécutif “peuvent varier d’une présidence à l’autre”, selon l’hebdomadaire.
Le vice-président, “éminence grise” du président ?
Globalement, et de manière de plus en plus systématique, le vice-président occupe ainsi un rôle de conseiller non officiel du président, notamment sur les questions internationales, parfois avec une influence colossale sur les décisions du chef de l’État. “Au cours du premier mandat de George W. Bush (entre 2000 et 2004, ndlr), le membre le plus influent sur la politique étrangère n’était ni la conseillère à la sécurité nationale, ni le secrétaire d’État. C’était le vice-président Dick Cheney”, illustre ainsi le politologue américain David Rothkopf, cité par Les Échos.
Derrière un président en première ligne médiatique, le vice-président a donc parfois un rôle s’apparentant à celui d’une “éminence grise”. “C’est quelqu’un qui est forcément plus discret, surtout quand on a un président très voyant comme Donald Trump, explique Lauric Henneton, toujours cité par France Inter. Par exemple, Mike Pence (vice-président de Trump entre 2016 et 2020, ndlr) n’est pas une personne qui aime les paillettes et être vu. Vice-président, c’est plus un rôle de l’ombre. Ce ne sont pas gens qui d’un point de vue protocolaire vont vouloir voler la vedette du président. Il y a toute une partie presque théâtrale, où le président est aux avant postes.”
Un atout crucial au moment de la campagne électorale
Le vice-président se définit donc surtout dans le contraste du duo qu’il forme avec le président, au cours du mandat mais aussi en amont, au moment de la campagne électorale, où l’identité du colistier du candidat à la présidence doit nécessairement renforcer ce dernier. “Il y a toujours une dimension stratégique, il s’agit de contrebalancer un certain nombre de faiblesses, abonde Lauric Henneton. Biden, homme blanc âgé, a choisi une femme issue de minorité beaucoup plus jeune que lui. De ce point de vue, il y a un côté rééquilibrage du ticket.”
Ainsi, les candidats à la vice-présidence sont, bien souvent, davantage mis en avant médiatiquement au moment de leur nomination et pendant la campagne qu’après, une fois élus. “Il y a une double stratégie : nommer quelqu’un qui permette d’avoir un électorat que soi-même on ne pourrait pas forcément avoir ; et quelqu’un qui soit prêt, dès le premier jour, à endosser le costume de chef de la première puissance mondiale”, synthétise Lauric Henneton.