La nomination de Succès Masra en tant que Premier ministre du Tchad a suscité des réactions contrastées au sein de l’opposition. Certains l’ont perçue comme une trahison, une rupture avec les fondements de l’opposition au régime en place. Cependant, la politique est souvent une question de pragmatisme et de compréhension des réalités complexes d’un pays en transition.

Masra lui-même a souligné les objectifs majeurs de cette nomination. Il met en avant l’importance de l’inclusivité dans la transition, une recommandation émanant de partenaires tels que la France, l’Union européenne et les États-Unis. La nécessité de rassurer la population et d’éviter tout piège politique dans cette nouvelle position est également au cœur de ses priorités.

Il est tres important de comprendre que la politique ne se joue pas seulement dans les discours ou sur les barricades de l’opposition. Masra, en acceptant ce poste, s’engage à l’intérieur même de la machine étatique pour influencer positivement les conditions de la future organisation d’élections transparentes.

À 40 ans, Masra dispose encore d’une large fenêtre temporelle pour accéder à la présidence sans compromettre sa liberté ou celle de ses partisans. Son rôle actuel peut être perçu comme une étape stratégique vers cet objectif, en construisant les fondations d’un système politique plus inclusif et transparent.

Il est essentiel de saisir que cette nomination n’est pas une trahison, mais plutôt une reconnaissance des réalités du Tchad et un moyen de travailler de l’intérieur pour créer des conditions propices à une transition politique démocratique.

Dans un contexte où les luttes politiques sont intenses, l’intégration dans le système étatique peut être un choix stratégique pour atteindre des objectifs à long terme. Masra semble avoir pris conscience de cette nécessité et se positionne pour contribuer positivement à l’avenir politique du Tchad, sans sacrifier les principes fondamentaux de l’opposition.

DES INQUIÉTUDES

Cependant, l’analyste politique Evariste Ngarlem Toldé exprime des inquiétudes : “Comme ses prédécesseurs, il lui sera difficile de réussir. Parce que la question du Tchad n’est pas une question d’homme. C’est un système qui est mis en place. Quel que soit son bagage intellectuel, quelle que soit sa force politique ou son expérience politique, ce n’est pas facile. Donc, je ne pense pas qu’il puisse réussir sa mission. Il va diriger le gouvernement, mais je ne pense pas qu’il ait vraiment les mains libres pour pouvoir appliquer ce qu’il compte faire pour transformer le Tchad comme il a l’habitude de le dire”, a-t-il exprimé dans une interview avec DW.

Les remarques de Toldé mettent en lumière un défi fondamental dans le paysage politique du Tchad. La réussite dans la mise en œuvre d’un changement transformateur est entravée par des systèmes ancrés qui transcendent le leadership individuel. Malgré les intentions de Masra, les structures de pouvoir sous-jacentes pourraient entraver sa capacité à mettre en œuvre les réformes souhaitées.

Naviguer dans ce terrain complexe exige un équilibre délicat entre idéaux et gouvernance pragmatique. Alors que les aspirations de Masra rejoignent l’avenir du pays, les subtilités de la structure politique du Tchad présentent un obstacle considérable.

En embrassant ce rôle, Masra arpente un chemin précaire, cherchant à opérer un changement au sein d’un système qui a historiquement résisté à cela. Son succès repose non seulement sur ses intentions, mais aussi sur sa capacité à négocier, à s’adapter et éventuellement à transformer les mécanismes même qui ont entravé le progrès par le passé.