Élections municipales en Côte d’Ivoire: un varitable test avant la présidentielle de 2025
Les élections municipales en Côte d’Ivoire se sont révélées être un baromètre crucial en vue de l’élection présidentielle de 2025, alors que le président actuel, Alassane Ouattara, âgé de 81 ans, n’a pas encore pris position quant à sa possible candidature pour un quatrième mandat. Pendant ce temps, la liste des prétendants à sa succession s’allonge. L’analyste politique Arthur Banga estimait dans un journal francais avant le scrutin que “ceux qui aspirent à des responsabilités plus élevées doivent obtenir l’approbation du peuple et de leur base. Cela s’annonce comme un véritable test pour de nombreuses personnalités de la majorité en lice.”
Il est important de noter que si Alassane Ouattara se porte candidat pour un quatrième mandat, cela serait perçu comme une trahison, étant donné qu’il avait fait modifier la constitution en 2017 pour justifier une candidature supplémentaire après son décès, selon lui de l’unique candidat potentiel au sein du RHDP, Gon Coulibaly. Avec le décès du président Bédié et l’absence du nom de Gbagbo sur la liste électorale, il n’y aurait aucune justification valable pour une nouvelle candidature d’Ouattara, qui aurait 83 ans en 2025.
Face à la puissance du parti au pouvoir, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), l’opposition se rassemble pour tenter de remporter la majorité des 201 communes et 31 régions en jeu lors de ces élections municipales.
Sans grande surprise, le RHDP a largement remporté les deux scrutins, avec une participation de 36,18 % pour les municipales et 44,61 % pour les régionales. Selon les résultats annoncés par la Commission électorale indépendante (CEI), le parti du président Alassane Ouattara a remporté 123 communes et 25 régions, soit au moins 31 communes et sept régions de plus par rapport aux élections locales précédentes en 2018, consolidant ainsi son emprise sur le pays.
LE PDCI RDA DEMEURE LE PARTI DES IVOIRIENS
En revanche, l’opposition, représentée par le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), a dû se contenter de 34 communes et quatre régions. Le reste des sièges revient à des candidats indépendants.
Malgré le décès de son leader emblématique, Henri Konan Bédié, le PDCI RDA a plutôt bien réussi. Dans la capitale économique, le PDCI a réussi à conserver les mairies de quartiers stratégiques tels que le Plateau, le cœur des affaires et de la vie politique, Cocody, où Jean-Marc Yacé a été réélu, Marcory, et Port-Bouët. Dans ces dernières deux communes, les perdants issus du parti au pouvoir n’ont pas tardé à dénoncer des “fraudes massives”. Le PDCI a également renforcé sa présence dans ses bastions traditionnels, notamment à Yamoussoukro, Daoukro (fief de feu Henri Konan Bédié) et la région de l’Iffou. En outre, grâce à son alliance avec le PPA-CI, le PDCI a également remporté la ville de Toulépleu à l’ouest.
Il est important de noter que de nombreux candidats dans les régions du sud qui ont reporté les élections dans leurs régions étaient d’anciens cadres du PDCI RDA qui ont décidé de rejoindre le RHDP pour diverses raisons, notamment économiques et judiciaires. Comme l’a souligné Bédié en mai 2019 : “Ils ont adhéré à ce parti unifié par contrainte et sous la menace.” Cela suggère que la base électorale du PDCI RDA est toujours bien présente et réelle.
Il est donc possible de penser qu’en 2025, le PDCI RDA, avec des candidats charismatiques comme Thiam et même Billon, pourrait jouer un rôle significatif grâce à une coalition d’Ivoiriens en rupture avec la forme actuelle de gouvernance qui privilégie l’appartenance ethnique et régionale plutôt que le mérite.
COMPRENDRE LA NOUVELLE RÉALITÉ AVANT 2025
Il est essentiel de noter également le taux d’abstention très élevé lors de ces élections municipales, atteignant un chiffre alarmant de 63%. Ce niveau d’abstention témoigne du ras-le-bol croissant envers la méthode du RHDP pour asseoir son pouvoir sur l’ensemble de la Côte d’Ivoire. Les Ivoiriens ont manifesté leur mécontentement en choisissant de ne pas participer à un scrutin qu’ils estiment être biaisé d’avance, marqué par des fraudes, des bourrages d’urnes, des intimidations et des achats de conscience. Cette désaffection envers le processus électoral montre clairement que les citoyens ne veulent pas cautionner un système politique prévisible et truqué.
La débâcle du FPI dans plusieurs régions qui étaient autrefois favorables, comme les “trois A,” témoigne de ce mécontentement. Face à cette situation, il est impératif que l’opposition se rassemble et forme un front commun contre le RHDP. Pour ce faire, elle devrait présenter un candidat moins controversé, tel que Tidjane Thiam, Jean-Louis Billon, Don Melo, et dans une moindre mesure Mamadou Koulibaly (un peu controversé), afin de défier le RHDP et de mettre fin à son appétit insatiable pour le pouvoir.
UNE SOLUTION…
La solution à cette situation critique pourrait résider dans la nécessité impérieuse de procéder à une révision, voire à un audit complet du registre électoral. Il est crucial d’inclure activement les militants de l’opposition dans ce processus pour garantir une représentation équitable de toutes les voix. Il est clair que le quatrième mandat est déjà largement favorisé par la situation actuelle, étant donné que le parti au pouvoir est en position de force sur la liste électorale. En conséquence, il pourrait remporter démocratiquement les élections.
Il est essentiel de ne pas se faire d’illusions quant à l’issue du scrutin si des mesures significatives ne sont pas prises pour corriger cette iniquité électorale. La démocratie exige une représentation équitable de toutes les tendances politiques, et c’est en garantissant la transparence et l’intégrité du processus électoral que l’on peut préserver l’essence même de la démocratie.
Ne pas comprendre cette réalité pourrait conduire à un quatrième, voire cinquième mandat du RHDP, avec un parti de plus en plus obsédé par le maintien au pouvoir. Il est donc crucial pour l’opposition de s’unir et de proposer une alternative crédible pour l’avenir politique de la Côte d’Ivoire.
JACQUES ROGER