SANTÉ : Vaccin contre le Sida: Moderna lance des essais cliniques avec un vaccin à ARN messager
Les essais cliniques de la première phase d’un vaccin contre le Sida débuteront ce jeudi 19 août. Deux autres phases seront ensuite nécessaires avant la mise sur le marché du vaccin.

Bientôt un vaccin contre le Sida ? Le laboratoire Moderna a annoncé débuter ce jeudi 19 août une phase 1 d’essais cliniques pour un vaccin contre le VIH, le virus respoinsable du Sida. L’entreprise américaine de biotechnologie utilisera la technologie de l’ARN messager, présente dans son vaccin contre le Covid-19.
56 adultes en bonne santé, âgés de 18 à 50 ans participeront à ces essais, informe le site ClinicalTrials, repris par Le Parisien. Deux formules devraient leur être injectées, selon la fiche de l’essai : le Core-g28v2 60mer mRNA et le eOD-GT8 60mer mRNA.
Le but de cette première phase consistera à vérifier que les vaccins ne provoquent pas d’effets secondaires dangereux, tout en s’assurant qu’ils enclenchent une réponse immunitaire efficace avec la production d’anticorps protecteurs durables, informe le quotidien parisien. Cette phase devrait prendre fin le 1er avril 2023. Deux autres phases seront ensuite nécessaires avant la mise sur le marché du vaccin.

“De 2010 à 2015, un total de 526,6 milliards de dollars a été dépensé au niveau mondial pour soigner, traiter ou prévenir le VIH, ce qui représente un fardeau financier significatif” informe Moderna. Actuellement, aucun vaccin approuvé ou traitement curatif efficace n’existe contre le VIH, qui touche plus de 38 millions de personnes dans le monde. Depuis sa découverte en 1983, ce dernier a muté plusieurs fois. L’ARN messager, efficace contre les virus variants, pourrait donc être efficace contre le VIH, selon Moderna.

► Quel est le rôle de l’ARNm dans ce vaccin ?
En s’appuyant sur le savoir-faire de Moderna, cette nanoparticule a été « transformée » en ARN messager (ARNm). Au lieu d’amener les protéines toutes faites, c’est leur code génétique qui sera injecté, sans entrer dans le noyau de nos cellules. Charge ensuite à ces dernières de fabriquer les protéines d’enveloppe du VIH, des antigènes qui provoqueront la réaction immunitaire. C’est le même système qui est utilisé dans les vaccins anti-Covid de Moderna et Pfizer, où l’on injecte le code du spicule du coronavirus.
«Cette technique permet d’aller nettement plus vite que de synthétiser les protéines en laboratoire », explique Jean-Christophe Paillart, de l’institut de biologie moléculaire et cellulaire (CNRS/Université de Strasbourg). Surtout, elle suscite une meilleure réaction immunitaire. «Notre organisme va produire une plus grande quantité d’antigènes, et ces antigènes seront de meilleure qualité que des protéines injectées, avance Christine Rouzioux, virologue. L’essai de Moderna va utiliser des protéines de deux parties différentes du VIH. C’est une nouveauté par rapport aux précédents vaccins anti-VIH et c’est très malin : on présente un deuxième signe distinctif du virus pour aider le système immunitaire à réagir.»
► Un vaccin contre le sida est donc pour bientôt ?
Non. Plusieurs vaccins contre le VIH ont déjà été jusqu’en phase 3 d’essais cliniques, sur de larges populations, sans succès. Le responsable de l’essai à l’institut Scripps reconnaît lui-même qu’il faut encore au moins une dizaine d’années de travaux. Car le produit développé avec Moderna fonctionne en plusieurs étapes, et chacune doit réussir pour aboutir, en bout de chaîne, à une protection.
Tout d’abord, l’ARNm injecté entraîne la fabrication de protéines du VIH (pas du virus lui-même). «Ces protéines vont être produites dans un type particulier de lymphocytes B. Ces derniers, stimulés, vont à leur tour produire de rares anticorps neutralisants à large spectre, retrace Jean-Christophe Paillart. Enfin, ces anticorps seront, eux, en capacité de lutter contre une infection au VIH. »
«Les anticorps neutralisants à large spectre ont été mis en évidence il y a une dizaine d’années chez moins de 1 % des personnes infectées par le VIH, détaille Jean-Daniel Lelièvre, chef du service maladies infectieuses à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil. Ils apparaissent très tardivement et, à l’échelle individuelle, ils ne suffisent plus à lutter contre l’infection installée. Mais en laboratoire, ils empêchent une primo-infection pour 95 % des souches du VIH.» Un succès à transposer dans le monde réel.