LA UNE : L’EXPERT EN TERRORISME JEAN BASILE N’GUETTA “UN PAYS QUI CONTRÔLE MAL LE FLUX MIGRATOIRE À SES FRONTIÈRES S’EXPOSE PLUS À DES ATTAQUES

TERRORISTES” Diplômé de l’Université militaire de Norwich aux Etats-Unis, optionterrorisme international, Jean-Basile N’GUETTA passe au peigne fin les tenants et les aboutissants du terrorisme à l’échelle mondiale. Revenant sur l’alerte donnée par les services secrets français, par rapport à une attaque terroriste, en préparation contre la Côte d’Ivoire, le spécialiste en terrorisme donne des pistes, pour mieux maitriser les velléités d’attaques terroristes dans le pays.
La Côte d’Ivoire, selon les services secrets français, est dans le viseur des terroristes. Comment peut-on expliquer cela ?
Il faut dire que cette information des Services Secrets Français n’est pas un “scoop” en lui-même. La Côte d’Ivoire a déjà connu deux attaques terroristes de grande envergure : l’attaque de Grand Bassam de mars 2016 qui a coûté la vie a une vingtaine de personnes et celle de Kafolo de Juin 2020 qui fait une douzaine de morts. Ces deux événements suffisent pour convaincre que le pays est une cible importante pour les mouvements djihadistes.
Pourquoi la Côte d’Ivoire est-elle devenue la nouvelle cible des djihadistes ?

La consigne principale donnée par Oussama Ben Laden père du djihad moderne à la création d’al qasida est l’application stricte du Principe de Progression Géométrique. Le principe du consiste à former de nouveaux adeptes au djihad sans interruption. Au principe de Progression géométrique, j’ajouterai celui de la progression géographique et géostratégique. L’implantation de Katiba (unité de combattants de grande taille) ou de Sahria ( unité de combattants de petite taille) dans des pays comme la côte d’ivoire répond à cet objectif. Tous les mouvements djihadistes ont fait de ces deux principes leur sacerdoce audelà de leurs rivalités de leadership sur le terrain. La côte d’ivoire est un pays important de la sous-région, nécessairement elle est l’objet de convoitise de groupes djihadistes, car une attaque en côte d’ivoire a nécessairement plus d’impact publicitaire au Burkina Faso ou au Mali.
La porosité de nos frontières peuvent-elles expliquer la présence des djihadistes en Côte d’Ivoire?
Il est évident qu’un pays qui contrôle mal le flux migratoire à ses frontières s’expose plus à des attaques terroristes surtout quand celui-ci est entouré de voisins ou il y a des foyers avérés d’organisations terroristes. La lutte contre le terroriste passe nécessairement par un programme d’immigration compréhensif, structuré, informatisé, tout supporté par des données fiables. Faut-il réglementer la migration en Côte d’Ivoire pour pouvoir contrôler les mouvements djihadistes.
Pourquoi la Côte d’Ivoire est-elle devenue la nouvelle cible des djihadistes?
La consigne principale donnée par Oussama Ben Laden père du djihad moderne à la création d’al qasida est l’application stricte du Principe de Progression Géométrique. Le principe du consiste à former de nouveaux adeptes au djihad sans interruption. Au principe de Progression géométrique, j’ajouterai celui de la progression géographique et géostratégique. L’implantation de Katiba (unité de combattants de grande taille) ou de Sahria ( unité de combattants de petite taille) dans des pays comme la côte d’ivoire répond à cet objectif. Tous les mouvements djihadistes ont fait de ces deux principes leur sacerdoce audelà de leurs rivalités de leadership sur le terrain. La côte d’ivoire est un pays important de la sous-région, nécessairement elle est l’objet de convoitise de groupes djihadistes, car une attaque en côte d’ivoire a nécessairement plus d’impact publicitaire au Burkina Faso ou au Mali. Tout Etat qui se veut sérieux doit pouvoir se donner les moyens de réglementer le flux migratoire, non seulement à cause des mouvements djihadistes, mais surtout à cause de criminels de tout acabit comme les narco-trafiquants, les marchands d’armes, des trafiquants d’êtres humains et autres criminels qui seraient tentés d’y trouver refuge. Réglementer la migration permet en substance de faire des projections en termes de politique sociale, éducative, sanitaire et même d’emploi.

Quelles sont les différentes formes de terrorisme ?
On peut citer pêle-mêle : Le Terrorisme individuel : perpétré par des rebelles ou des anarchistes.
– Le Terrorisme organisé : provoqué par des groupes aux différentes idéologies (extrême gauche, Salafisme djihadiste.)
– Le Terrorisme d’Etat : exercé par l’Etat, qui use de façon excessive de son monopole de la violence légitime (torture…)
-Le Cyberterrorisme … Le Narcoterrorisme. Mais il est bon de préciser
que le terrorisme est aussi évolutif que ses définitions et son modus operandi. Cependant, aujourd’hui deux grandes écoles terroristes se disputent le leadership sur le terrain. La première école est celle de Ben Laden père du Djihad International et l’école d’Abou bakr al Baghdadi fondateur de l’Etat Islamique et père du terrorisme d’occupation territoriale. Les groupes terroristes en Afrique réconcilient ces deux écoles au gré des allégeances à ces deux écoles ou au gré des alliances entre mouvements djihadistes dans le Sahel. Tantôt ce sont des attentats qui sont perpétrés par des méthodes issues de l’école de Ben Laden tantôt ce sont des territoires occupés et administrés par école d’Abou bakr Al Baghdadi. A ces deux écoles, on pourrait ajouter une troisième que Marc Sageman nomme “leaderless Jihad”, c’est-à- dire le djihad sans leader, mené par des jeunes en révolte contre la société et ses règles préétablies.
Quel type de terroriste peut frapper en Côte d’Ivoire et avec quels moyens ?
Dans un pays comme la Côte d’ivoire où l’Etat a un contrôle exclusif du territoire en terme de sécurité, le terrorisme d’occupation a moins de chance de prospérer, car le pays n’est pas un “failing state”(Etat défaillant) dans le domaine sécuritaire. En revanche, des attaques comme celles de Bassam et de Kafolo attribuées à de petites unités combattantes de Saharia sont plus à craindre et à prendre au sérieux. Des jeunes ivoiriens radicalisés peuvent être utilisés contre la mère patrie… La radicalisation est tout simplement l’attractivité exercée sur la jeunesse par l’engagement dans le djihad à travers un discours de victimisation et de marginalisation. Les méthodes de conversion sont assez semblables à certains courants évangéliques notamment les Témoins de Jéhovah. Il se caractérise par un contact humain et un corps à corps assez agressif à la limite de l’agacement. Un accent particulier est mis sur la stimulation des angoisses du candidat à la radicalisation par l’insistance sur les remarques dramatiques concernant les événements mondiaux, et par un entretien empreint de sympathie à l’écoute de ses problèmes personnels. A cet effort donc, tout le monde peut être un candidat ou une victime potentielle à la radicalisation, tout dépend de l’expertise, de la perspicacité et du message du “ radicalisateur ”
La doctrine djihadiste s’apparente au salafisme religieux ?
Le mouvement salafiste, dérivé de Salafiya et salafisme, est un mouvement de réforme au sein de l’islam sunnite. Le Salafisme fait la promotion d’un retour aux traditions des ancêtres (salaf), les trois premières générations de musulmans qui connaissent la forme pure de l’Islam. Le sens littéral du djihad est lutte ou effort, et cela signifie bien plus que la guerre sainte. Les musulmans utilisent le mot djihad pour décrire les luttes suivantes : La lutte interne d’un croyant pour vivre au mieux la foi musulmane. La lutte pour construire une bonne société musulmane. En revanche le salafisme-djihadiste est une idéologie politico-religieuse dont le chantre fut l’Egyptien Sayyid Qutb. Cette idéologie conteste violemment la mondialisation et le système international, et alimente l’expansion continue du mouvement djihadiste mondial par la citation sélective de textes islamiques, les méthodes sensationnellement coercitives des groupes djihadistes à travers la diffusion d’idées sur Internet. Voilà donc la différence entre salafisme, djihadisme et djihadisme-salafism
Comment peut-on lutter efficacement contre ce fléau en Côte d’Ivoire ?
Il n’existe pas de remède miracle pour combattre le terrorisme. Le terrorisme se combat efficacement à travers un bon système de renseignement, une bonne formation de tous les acteurs impliqués dans la lutte. Il faut une collaboration transparente entre les Etats au niveau du renseignement, ne pas faire de la rétention d’info qui peut être dommageable. Nos Etats en Afrique doivent investir dans la formation et l’éducation sur le terrorisme. C’est une grosse erreur que de faire de la lutte contre le terrorisme une exclusivité militaire et des forces de sécurité. Il faut inviter des spécialistes pour des débats sur nos antennes de télévision et de radio, parler du profil d’un éventuel poseur de bombe car il y a les profils de potentiels terroristes et il faut les connaître, les dénoncer, ça peut et cela va sauver des vies. Autres, c’est cette propension à faire toujours confiance aux experts occidentaux au détriment d’experts locaux qui “agace”. N’oubliez pas que le terrorisme moderne a plusieurs variantes et motivations, au-delà de la religion qui est la motivation la plus évoquée, il y a la motivation économique et même culturelle qu’on mentionne peu. Des jeunes ont rejoint des organisations terroristes juste pour de l’argent. Le terrorisme est aussi vieux que le monde, il faut des centres de déradicalisation de ceux qui ont été déjà endoctrinés ou que l’on suspecte de flirter avec des mouvement djihadistes. Surveiller en permanence les sites internet qui appellent au djihad et à la radicalisatio
La doctrine djihadiste s’apparente au salafisme religieux ?
Le mouvement salafiste, dérivé de Salafiya et salafisme, est un mouvement de réforme au sein de l’islam sunnite. Le Salafisme fait la promotion d’un retour aux traditions des ancêtres (salaf), les trois premières générations de musulmans qui connaissent la forme pure de l’Islam. Le sens littéral du djihad est lutte ou effort, et cela signifie bien plus que la guerre sainte. Les musulmans utilisent le mot djihad pour décrire les luttes suivantes : La lutte interne d’un croyant pour vivre au mieux la foi musulmane. La lutte pour construire une bonne société musulmane. En revanche le salafisme-djihadiste est une idéologie politico-religieuse dont le chantre fut l’Egyptien Sayyid Qutb. Cette idéologie conteste violemment la mondialisation et le système international, et alimente l’expansion continue du mouvement djihadiste mondial par la citation sélective de textes islamiques, les méthodes sensationnellement coercitives des groupes djihadistes à travers la diffusion d’idées sur Internet. Voilà donc la différence entre salafisme, djihadisme et djihadisme-salafism
Certaines personnes affirment que le terrorisme ne peut pas prospérer dans une zone forestière, que répondezvous?
A ce que je sache, la France n’est pas un pays Sahélien ou désertique, mais a été victime de plusieurs attaques terroristes, pour ne prendre que cet exemple. Le terrorisme moderne peut prospérer partout, à la seule différence que les politiques internes et externes exposent certains pays aux attaques plus que les autres. Cabo Delgado au Nord du Mozambique en pleine bordure de l’océan indien “ est aux mains de groupes terroristes” affiliés aux Shebab Somaliens, alors ce n’est pas tant une situation géographique que la capacité que se donne un Etat à accroître sa vigilance en matière de sécurité.
La patience, dit-on, est une arme du djihadisme, est-ce vrai ?
Une attaque terrorisme demande beaucoup de moyens en termes de repérage, de moyens logistiques, de préparation, de discrétion, de renseignements, et surtout de préparations des hommes. Le but c’est de réussir un coup, tout en sachant qu’on y laissera certainement la vie. A titre d’exemple la Commission du 11 Septembre aux Etats Unis affirme dans un rapport que Al Qaïda a mis environ 5 ans pour préparer les attaques du 11 septembre 2001 et a dépensé entre 400 et 500 mille dollars américains dans la préparation et l’exécution de cette attaque.
Le terrorisme sévit dans des Etats instables, la Côte d’Ivoire serait-elle considérée comme un Etat instable au point de faire le lit du terrorisme ?
Il est vrai que, ce que nous appelons les “failing states”, les Etats défaillants et instables constituent de plus en plus des bastions de groupes terroristes en Afrique, c’est le cas de la Somalie, de la Libye après la chute du Kaddafi… Cependant, il y a des Etats bien structurés qui malheureusement sont victimes d’attaques terroristes. La recrudescence des mouvements djihadistes dans le Sahel prend sa source dans la déstabilisation de la Libye. En matière sécuritaire la Côte d’Ivoire n’est ni la Libye encore moins la Somalie ou le Mali.
Une école de lutte contre le terrorisme en Afrique de l’ouest est en construction à Jacqueville, quel commentaire ?
C’est une très bonne initiative, cependant il faut ouvrir ce genre d’école au public et ne pas en faire la chasse gardée des seuls hommes en uniforme. A titre d’exemple, je suis moi titulaire d’un master en Diplomatie option Terrorisme International de l’Université de Norwich dans le Vermont aux Etats Unis. L’Université de Norwich est la première université militaire privée américaine qui a fêté ses 200 ans d’existence en 2019. Se côtoient dans cette université, des civiles et des militaires. Après les attaques du 11 septembre 2001, l’Etat Américain a multiplié de nombreux certificats et autres diplômes dans le domaine de ce qu’on appelle “Homeland Security” (la sécurité intérieure) de sorte qu’il n’est pas rare de voir des agents de sécurité ( gardien/vigiles) avec des certificats dans le domaine du terrorisme. La lutte contre ce fléau est l’affaire de tous, et l’Etat de Côte d’Ivoire devrait y penser.
Des pays comme le Sénégal ont toujours observé la vigilance, est-ce la solution?
Bien que l’extrémisme religieux soit présent au Sénégal, et que des jeunes de ce pays ont été aperçus dans des camps terroristes au Nord du Mali, en Irak ou en Syrie, l’Etat Sénégalais s’est donné les moyens de contenir jusqu’à présent toute velléité djihadiste sur son sol à travers la répression d’acte terroriste, la lutte contre le financement des milieux extrémistes, et la sécurisation de ses frontières. Le Sénégal a mis sur pied des programmes de déradicalisation, de renforcement de la résilience en vue de prévenir la paix mais surtout le règlement du conflit casamançais quand on sait que cette partie du Sénégal est adossée à la Guinée Bissau, un narco Etat fortement instable.
Interview réalisée Par Pierre Debohi