Libre opinion/Robert Mugabe et Alpha Condé : Similarité de Personnage Politique et Similitude de Destin ?
Alpha Condé, président de la Guinée-Conakry et feu Robert Mugabe, ex-président du Zimbabwe sont deux personnalités politiques dont les parcours ont maintes analogies. Toutefois, il faut préciser qu’ils ne
Alpha Condé, président de la Guinée-Conakry et feu Robert Mugabe, ex-président du Zimbabwe sont deux personnalités politiques dont les parcours ont maintes analogies. Toutefois, il faut préciser qu’ils ne relèvent pas de la même division historique: Robert Mugabe avait une envergure internationale tandis qu’Alpha Condé n’a qu’une dimension nationale. La présente réflexion met en exergue lesdites analogies et invite Alpha Condé à prendre des mesures idoines pour éviter le sort que cette similarité de parcours risque vraisemblablement de lui réserver. Premièrement, Mugabe et Condé ont en commun d’avoir fait des études supérieures ; ils ne sont donc pas de la catégorie de présidents rustres tel qu’Id Amine Dada et Yaya Djamé.. En outre, tous deux ont été enseignants pendant leur jeunesse. Aussi, Mugabe par conviction ou par opportunisme, a été un adepte du Marxisme-Léninisme, puis du socialisme, alors que Condé se réclame de l’International socialisme. Deuxièmement, pendant la guerre de libération de l’ex-Rhodésie contre le régime d’ Ian Smith, Mugabe a joué un rôle capital à la tête du ZANU (Zimbabwe African. National Union) ; et c’est donc à juste raison qu’il a été considéré comme le père de l’indépendance nationale. Pour sa part, c’est à partir de1990, que Alpha Condé a engagé son parti, en l’occurrence le RPG, dans le combat contre la dictature du Général Lansana Conté ; c’est donc à ce titre qu’il est considéré, notamment par les ressortissants de la Haute Guinée, comme le messie venu pour libérer la Guinée. Par ailleurs, ces deux personnalités ont en commun d’avoir connu la prison politique : Mugabe en 1964 sous le régime de Ian Smith et Alpha Condé en 1998 sous le régime militaire de Lansana Conté. Troisièmement, il y a lieu de relever la similitude de leur gout pour la présidence à vie. Mugabe a fait 30 ans au pouvoir (1987-2017). S’il n’en avait pas été chassé par les Zimbabwéens, il serait mort au poste de Président de ce pays. C’est dans la même perspective qu’ Alpha Condé s’évertue actuellement , contre vents et marées, à vouloir changer de Constitution afin de s’octroyer un troisième mandat, voire même un pouvoir à vie. Quatrièmement, Mugabe s’est confirmé comme étant un leader qui ne maitrisait pas les principes de l’économie publique. À partir des années 2000, le dollar Zimbabwéen a connu de périodiques crises d’inflations et même d’hyperinflations. Cela a notamment commencé à la suite de l’amorce de paiement de pensions mensuelles aux ex-combattants de la Révolution du Zimbabwe. Cette action a été suivie par la confiscation des terres agricoles au profit des mêmes ex-combattants, qui connaissaient peu ou pas la gestion des fermes. Le paiement de pensions faramineuses et le quasi-tarissement des recettes provenant des exportations agricoles, entre autres causes, ont plongé le pays dans un profond marasme économique. Conséquence : Le Zimbabwe, jadis grand producteur et exportateur de produits agricoles, se trouve parmi les pays les plus pauvres de l’Afrique australe. Sous le régime d’Alpha Condé, au pouvoir depuis 2010, le développement de l’économie nationale n’a pas atteint les objectifs que les populations escomptaient au regard des potentialités du pays : En effet, la Guinée est le troisième exportateur mondial de bauxite (45,000 MT, en 2018) ; en outre, le pays est riche en diamant et or.. “Par exemple, selon la revue Kimberly Process, en 2015, la Guinée a produit 166.880,92 carats de diamants et, selon le Goldhub, dans sa livraison du 4 avril 2019, la Guinée à produit 27, 3 tonnes d’or, en 2018. Paradoxalement, le Produit National Brut (PNB) per capita des Guinéens est inférieur à celui des pays qui ne sont pas aussi nantis en ressources minières. Par exemple, selon la Banque Mondiale, en 2018, le PNB per capita de la Guinée était de US$885.00 contre US$1.716,00 (Côte d’Ivoire), et US$1.473,00 (Sénégal)”. . L’inflation monétaire, qui est un des indicateurs clés de la macroéconomie, s’est aggravée sous le régime de Condé. Le Franc guinéen s’échangeait à 3.976NFG pour 1USD, en septembre 2010 ; il a grimpé à 9.225NFG en septembre 2019 (Source : MorningStar, 2019). Cette inflation de 132% a engendré la flambée de prix de denrées de base dont le riz. mais aussi celui du carburant, qui sont importés contre les devises. ; cette réalité a aggravé la paupérisation de nombre de ménages guinéens. La Guinée dit-ont est le « Château d’Eau » de l’Afrique de l’Ouest ; paradoxalement, pendant presque dix années de pouvoir, Condé n’a pas été capable de fournir l’eau potable aux populations urbaines. En plus, malgré la vaste propagande qu’il a orchestrée autour de la construction du barrage hydroélectrique de Souapiti, le courant manque pratiquement en Guinée. La Capitale Conakry connait le délestage comme au temps du General Conté. Pire, les routes qui relient les préfectures sont dans un délabrement déroutant. Ce fait est plus accentué en Guinée dite « Forestière ». Conséquence : les produits agricoles (bananes douces, plantain, aubergines, tomates.) s’y entassent et pourrissent. Il faut noter que cette paralysie que cause l’impraticabilité des routes entraine les méventes qui appauvrissent les agriculteurs et affament les habitants des villes, dont particulièrement Conakry. Toutes ces dynamiques de mauvaise gestion économique, qui s’imbriquent les unes dans les autres, présagent l’imminence du blocage de tout développement en Guinée. En fin, la cinquième analogie-qui relève de la prospective-serait celle de fin des régimes respectifs de Mugabe et de Condé. Après plus de 30 ans de règne absolu au Zimbabwe, Mugabe en a été limogé. C’était le 19 novembre 2017, lorsque les membres de son palais l’ont remplacé à la tête du ZANU-PF, par son Vice-Président Emerson Mnangagwa. Cette mesure avait été suscitée par les gigantesques troubles multidimensionnels-suite au marasme économique, qui secouaient le pays. Mugabe, qui est donc entré dans l’histoire du Zimbabwe par la grande porte, en est sorti par la fenêtre. En parallèle, le projet de changement de la Constitution pour « légaliser » un Troisième Mandat risque fort d’être funeste au « règne » de Condé. La première cause de ce dénouement est la nature illégale du projet qui va en contresens de la Constitution Guinéenne en vigueur. La deuxième cause est le rejet de l’idée d’un Troisième Mandat par la majorité des Guinéens des quatre régions du pays. Cependant, la ressemblance de parcours des deux hommes pourrait s’arrêter là : Robert Mugabe est mort, il ne peut plus défaire l’histoire. Alpha Condé est vivant ; il peut encore contrôler le contenu de la page de son histoire de président de Guinée. Toutefois, s’il s’entête à vouloir s’accrocher au pouvoir, il risquerait fort de finir comme Robert Mugabe dans les sombres caniveaux de l’histoire. Alpha Condé ne devrait pas laisser ses affidés, qui profitent à l’ombre de son régime, l’engager pour l’éternité dans la géhenne de l’histoire. En se ressaisissant à temps, il pourrait prévenir la guerre civile qui se profile inéluctablement à l’horizon en Guinée. En adoptant un tel comportement sage il accèderait infailliblement au trône glorieux de l’histoire de la démocratie en Guinée. Akoi II Sovogui